aut: non Monsieur,
c'est en vain que vous voudriez m'en dissuader, ma confession doit etre
publique; puisse-t-elle etre une legere expiation de mes crimes et
servir d'exemple a ceux qui se laissent entrainer par la fougue de leurs
passions. Un frisson involontaire parcourut les membres des assistants,
nous pressentions quelque drame lugubre, sanguinaire peut-etre, dont
Helika avait ete le heros.
Nous primes donc chacun une place autour de son lit, et c'est ainsi
qu'il commenca:
LA CONFESSION.
Plus de quatre-vingts ans ont passe sur ma tete, et la terre dans
quelques heures va recouvrir cette masse de boue et de misere qui
devrait y etre enfouie depuis mon enfance. On ne souffre pas dans le
fond du cercueil apres la mort; mais devrais-je sentir chacun des
vers qui doivent devorer mon cadavre, dussent-ils m'occasionner les
souffrances les plus atroces, je remercierais Dieu de m'infliger des
peines aussi legeres; car quelques grandes qu'elles fussent, elles ne
pourraient vous donner une idee des epouvantables tortures que les
remords ont fait endurer a ma conscience depuis de longues bien longues
annees.
Dieu est juste, ajouta-t-il, d'un ton penetre. Il m'a fait entendre sa
grande voix dans tous les objets de la nature; oui je l'ai entendue,
glace de terreur depuis au dela de quinze ans dans le frizelis des
feuilles comme dans les roulements terribles du tonnerre, je l'ai
entendue dans le souffle leger de la brise comme dans les hurlements
epouvantables de la tempete; et depuis le brin d'herbe jusqu'au grand
chene des bois; je l'ai vu dans la goutte d'eau dont je me desalterais
jusqu'au fruit savoureux que je voulais gouter. Je l'entendais, je le
voyais, je le sentais en moi-meme, ce vengeur inexorable des crimes que
nous commettons et des souffrances que nous faisons endurer a nos freres
de meme que je l'ai eprouve plus tard, sous le fouet du maitre et dans
les chaines de l'esclavage.
En prononcant ces paroles, bien que les membres du vieillard fussent
glaces par le froid de la mort, nous voyions cependant un fremissement
qui lui parcourait tout le corps. Sans doute qu'il remarqua notre
surprise de l'entendre s'exprimer aussi bien, car il ajouta en
continuant: Ne soyez pas surpris si je parle un francais qui peut vous
paraitre bien pur pour un habitant des bois, mais j'appartiens a votre
race, et c'est a une vengeance diabolique que je dois le triste etat
dans lequel vous me voyez aujourd'hui.
Dans
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