lir et garda le silence pendant quelque temps.
Monsieur Fameux s'approcha de lui et voulut le dissuader de continuer
son recit. "Non monsieur, repondit-il, je dois aller jusqu'au bout
de mes forces, c'est un devoir que ma conscience m'impose, et je
l'accomplis avec plaisir; ma resolution est inebranlable." Puis il
demanda quelque chose pour se rafraichir. Cette demande fut sans doute
entendue de l'autre cote, car la meme indienne dont nous avons deja
parlee, apporta une tisane d'une couleur verdatre. Il but quelques
gouttes de ce breuvage qui parut le ranimer. "Eloigne Adala, dit-il a la
vieille, qu'elle n'entende pas ce qui me reste a dire."
C'est peut-etre mal, ajouta-t-il, en se tournant vers monsieur Fameux,
mais je voudrais conserver l'estime et l'amour de mon enfant jusqu'au
dernier soupir, puis il reprit:
Vers l'annee 17... nous touchions aux vacances qui devaient commencer
vers la mi-juillet, mais je ne sais comment me l'expliquer aujourd'hui,
etait-ce un pressentiment qu'avec elles allaient s'eteindre pour
toujours les joies de ma vie? Helas! elles devaient etre les dernieres,
car je terminais mon cours d'etude. Je me sentais triste et abattu. Il
y a toujours quelque chose de solennel dans ce supreme adieu que nous
faisons a nos belles annees de college. Le succes avait couronne mon
travail au dela de mes esperances. Je remportai presque tous les
premiers prix de ma classe. L'accueil que je recus a la maison
paternelle fut encore plus chaleureux, plus affectueux, s'il etait
possible qu'il ne l'avait ete les annees precedentes.
Mon pere, ma mere et mes soeurs me recurent avec les memes
demonstrations de joie, j'etais le seul fils. Or sans etre bien riche,
ma famille jouissait d'une honnete aisance comme cultivateur. Apres les
premiers embrassements. "Il va falloir, me dit mon vieux pere, bien te
reposer mon enfant. Je t'ai achete un beau fusil, un beau cheval est a
l'ecurie, j'ai quelques epargnes, amuses-toi, promenes-toi et surtout
laisses la tes livres pour jouir de la vie dont tu ne connais pas encore
les plaisirs".
Puis ma mere et mes soeurs me conduisirent dans la plus belle chambre
qui avait ete preparee avec tous les soins, la tendresse et l'affection
qu'elles me portaient. Je remarquai plein d'attendrissement, avec quelle
ingenieuse sollicitude on y avait depose tous les objets qui pouvaient
flatter mon gout et me procurer le plus grand confort.
Tu vas faire ta toilette maintenant, me dit ma
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