oi; je remarquai dans ses yeux une expression
d'indicible douleur et des larmes abondantes qui s'en echappaient.
Je le confesse, loin d'etre touche de cette scene, j'y pris un froid
et secret interet. Apres l'avoir contemplee pendant quelque temps, je
sortis soudain de ma cachette. Une idee diabolique venait de me frapper.
Il ne me restait plus qu'a attendre pour la mettre a execution. Ma
figure devait etre bien hideuse de mechancete, car la pauvre mere
en m'apercevant s'enfuit toute effaree en poussant de douloureux
gemissements. Je passai aupres du faon et d'un brutal coup de pied, je
le lancai a vingt pas plus loin. J'avais remarque avec joie que la biche
s'etait retournee sur la lisiere du bois et qu'elle m'observait. Puis je
continuai ma route en sifflant joyeusement.
DANS LA TRIBU.
Je passai deux mois m'eloignant toujours des endroits ou j'avais ete
autrefois si heureux, et jamais l'idee des angoisses que ma famille
devait eprouver de mon absence ne se presenta a mon esprit. Je ne vivais
plus depuis longtemps que de chasse et de peche. Je m'etais ainsi
habitue aux bruits des bois, et pouvais a mon oreille et a l'examen de
la piste reconnaitre quelle etait la bete fauve, et quelquefois la tribu
du sauvage qui avaient traverse les sentiers que je parcourais.
Un soir j'etais occupe a preparer mon repas, j'avais decide de passer la
nuit aupres d'une belle source ou je m'etais installe. Depuis au dela de
deux mois je n'avais point rencontre de creature humaine. J'etais tout
occupe aux preparatifs du souper, qui d'ailleurs ne sont pas longs
dans les bois, lorsque des craquements de branches inusites se firent
entendre a quelques pas en arriere de moi. Je me retournai, deux yeux
etincelants brillaient dans la demi obscurite, et mon feu faisait
miroiter l'eclat de la lame d'un poignard deja leve pour me percer.
L'instinct de la conservation s'etait reveille en moi. Heureusement que
mon fusil etait sous ma main, je le saisis et en appuyai la gueule sur
la poitrine du survenant. Ne tirez pas, me dit-il, je me rends. Jette
ton poignard, m'ecriai-je, ou tu es mort. Il le laissa tomber par terre,
De mon cote, je deposai mon fusil, saisis mon homme d'un bras ferme, et
le conduisis aupres du feu. Gare a toi, lui dis-je, d'une voix tonnante,
si tu fais le moindre mouvement. Que me veux-tu? Que cherches-tu ici? Il
balbutia alors quelques paroles que je ne compris pas. Je le fis asseoir
en face de moi de maniere que
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