faut-il faire?
--Rester ici.
--Bien.
--Et, lorsque tu auras entendu l'explosion de ma carabine, battre la
generale a tour de bras et en courant dans la direction des Anglais...
Puis-je compter sur toi, Baptiste?
--Comme sur toi-meme, Michel.
Cabieu visita l'amorce de sa carabine et partit d'un pas rapide.
III
Le soldat regarda avec tristesse son frere qui s'eloignait. Il pensait
qu'il ne le reverrait plus.
Mais le sergent des garde-cotes avait plus de confiance que cela dans la
reussite de son entreprise. Il marchait sur l'ennemi avec la certitude de
le mettre en fuite. Il ne craignait pas d'etre apercu. La nuit etait si
profonde qu'il entendait deja les Anglais sans les voir.
Cabieu quitta la dune et se jeta dans la campagne. Il voulait tourner les
Anglais et revenir sur eux a l'improviste, en s'abritant derriere une haie
de saules qui poussaient dans le voisinage de la riviere. La connaissance
qu'il avait du pays le servit autant que son audace.
Le garde-cote s'accroupit derriere un buisson, a dix pas de l'ennemi. Il
coula le canon de sa carabine entre les feuilles, ajusta le groupe et resta
en observation.
Les Anglais parlaient entre eux avec animation. Les uns tendaient la main
du cote de la mer, comme s'ils eussent donne l'avis de se rembarquer au
plus vite. Les autres se tournaient vers la batterie d'Ouistreham, comme
s'ils eussent voulu exciter leurs camarades a ne pas laisser leur
entreprise inachevee. On devinait a leurs gestes, a leur air indecis, qu'il
y avait dans leur conseil deux courants d'idees contraires. La compagnie
qui avait marche sur le village de Colleville se croyait trahie et
craignait une surprise; les autres paraissaient decides a tenter tous les
hasards.
Cabieu retenait sa respiration, voyait et ecoutait tout. Quand il fut
convaincu que le parti des audacieux l'emportait, il coucha en joue
l'officier qui s'etait mis a la tete du detachement. En meme temps, il
s'ecria d'une voix formidable:
--Qui vive?
A ce mot, un grand trouble se fit dans les rangs des Anglais. Ils se
presserent les uns contre les autres, formerent le carre et regarderent
avec inquietude dans les tenebres.
--Voila le moment de jouer ma comedie, se dit Cabieu.
Il tourna la tete en arriere, comme s'il eut adresse un commandement a une
troupe de soldats.
--Nom d'un tonnerre! s'ecria-t-il, ne tirez pas! ne tirez pas! Je vous le
defends!
Les Anglais dressaient l'oreille et cherch
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