osent de faire.
Le premier repond au nom de Leon Vautier. Ses traits ne sont pas
precisement reguliers, mais ses yeux sont pleins de feu et d'intelligence.
S'il sourit devant vous, vous comprenez immediatement que vous ne parlez
pas a un sot. Sorti de l'ecole des Beaux-Arts, Leon Vautier avait travaille
sous la direction d'un architecte du gouvernement. Au moment ou nous le
rencontrons, il venait d'etre charge par la commission des monuments
historiques, instituee pres le ministre de l'interieur, de l'inspection de
quelques-uns des edifices religieux de la Basse-Normandie.
Son compagnon s'appelait Victor Lenormand. Il n'avait pas de mission du
gouvernement, mais c'etait le fidele Achate du jeune architecte. Comme il
avait une jolie fortune et des pretentions, peu justifiees, a la peinture,
il se faisait un plaisir de suivre son ami dans ses peregrinations
officielles, croquant un paysage par-ci, un monument par-la, et se
composant des cartons qui devaient, selon ses esperances, le conduire au
Temple de memoire. Il est vrai qu'il avait deja essaye de faire parler les
cent bouches de la renommee en exposant son fameux tableau du _Quos ego_.
Son Neptune, avec sa barbe inculte et melangee d'herbes marines, avait bien
l'air de dignite qui convient au souverain des eaux. Seulement notre
artiste avait eu la malencontreuse idee de mettre dans la main du dieu un
poisson que le jury ne trouva pas de son gout. Victor se consola de ce
premier pas de clerc en rimant force epigrammes contre ses juges; mais la
blessure n'en etait pas moins douloureuse, et le moindre mot qui lui
rappelait son tableau du _Quos ego_ faisait saigner la plaie mal fermee de
son amour-propre.
Le dejeuner fini, Leon se fit indiquer par la servante de l'auberge le
chemin qui conduit au petit village de Norrey; et les deux amis reprirent
leur bagage. L'architecte ayant leve machinalement les yeux vers l'enseigne
du _Grand-Monarque_ partit d'un grand eclat de rire.
--Ce chef-d'oeuvre vaut bien un coup d'oeil, dit-il en montrant du doigt la
figure du heros d'Ivry, enlumine comme un ivrogne qui sort du cabaret.
--En effet, ce n'est pas mal! Il a l'air d'avoir abuse du premier de ses
trois talents, le bon Henri!
Ce diable a quatre
A le triple talent
De boire, etc...
Je soupconne l'artiste d'avoir eu des relations avec les ligueurs. C'est
une satire, ce portrait-la!
--Est-ce tout ce que tu as remarque?
--Mon Dieu, oui!
--Comment! tu n'ad
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