La jeune fille aurait cru commettre un sacrilege si
elle n'eut pas tente l'impossible pour aller donner des consolations a
Francois. Elle sentait elle-meme le besoin de pleurer avec lui. Son pere
sortait habituellement le soir. Elle surveillait donc avec une impatience
febrile les moindres mouvements du maitre de l'oeuvre.
Enfin il se leva de table plus tot que de coutume, prit son manteau et
descendit l'escalier avec precipitation.
Au bruit epouvantable que la porte fit en se refermant, Marie put juger du
degre d'irritation de son pere. Elle s'approcha de la fenetre et le suivit
des yeux aussi longtemps que l'obscurite le lui permit. Puis elle se
demanda par quels moyens elle parviendrait a s'echapper de la maison. Ses
mouvements indecis temoignaient du peu de succes de ses recherches. Soudain
le feu de la resolution brilla dans son regard; elle prit la lampe et
descendit examiner la porte qui donnait sur la rue. Ses yeux se leverent
vers le ciel avec une admirable expression de reconnaissance.
--Mes pressentiments ne m'ont pas trompee! s'ecria-t-elle. Dans sa colere,
il a oublie ses precautions habituelles... Je suis libre!
En meme temps elle attirait la porte, qui gemit peniblement sur ses gonds.
--Il me tuera peut-etre a mon retour, pensa-t-elle, mais Francois va savoir
que je l'aime encore!
Et la courageuse fille se mit a courir dans la direction du village de
Norrey. Elle n'eut pas fait trois cents pas qu'elle entendit marcher a sa
rencontre. Saisie de frayeur, elle se jeta precipitamment de cote et
chercha une cachette derriere une haie d'aubepine.
Le vent chassait au ciel de grands nuages, aux contours bizarres. De temps
a autre, cependant, la lune apparaissait au milieu de vapeurs irrisees,
brillante comme un miroir d'argent qui refleterait les rayons du soleil. Au
moment ou Marie se croyait le mieux a couvert, un des gros nuages se
dechira, et des flots de lumiere se repandirent sur la route et sur la
campagne.
Deux cris de joie signalerent cette victoire de l'astre sur les tenebres.
Dans l'homme qui lui avait cause tant d'effroi, Marie venait de reconnaitre
Francois.
Les deux jeunes gens echangerent un rapide regard et se jeterent dans les
bras l'un de l'autre.
--Je savais bien que vous ne me refuseriez pas! s'ecria Francois, quand il
se fut rendu maitre de son emotion.
--Douterez-vous de mon amour maintenant? lui demanda Marie.
--Vous etes bonne, repondit Francois en deposant un bai
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