ement d'insectes s'echappait des
haies voisines; la terre etait brulante, l'air etait rempli de vagues
murmures, tout invitait au sommeil, et la pauvre fille ne tarda pas a
s'endormir sous la voute d'azur.
Qui pourra determiner l'instant de raison ou commence le sommeil, ou finit
la veille? Qui pourra dire ce qui distingue le reve de la reverie? s'ils
sont separes par un abime, ou s'ils sont unis etroitement?... Elisabeth
s'etait reportee par la pensee aux jours de son enfance; on l'interrompt
dans sa reverie, elle dit adieu au monde des songes, elle marche, elle
agit, elle fait sa tache journaliere, puis elle se repose; et, sitot que le
sommeil a ferme ses yeux, la voila de nouveau dans la maison de son pere.
Le temps a bruni le chaume que, tout enfant, elle avait vu prendre a la
premiere moisson dont elle eut garde le souvenir. Sa mere ne file plus pres
du foyer demi-eteint, dont elle remuait les cendres pour preparer le repas
du soir. C'est Elisabeth qui remplit la petite chambre de son mouvement,
c'est elle qui nettoie l'aire, c'est elle qui ranime le feu mourant, c'est
elle qui va chercher les legumes dans le jardin, c'est elle qui console et
qui soigne son vieux pere invalide; car il s'est passe de grands evenements
depuis qu'Elisabeth est devenue jeune fille, et, comme les empires, les
chaumieres ont aussi leurs revolutions. La mere d'Elisabeth repose sous le
vieil if du cimetiere; son pere n'a plus la force de travailler; c'est a
elle de le nourrir. Mais, comme elle ne trouve pas de place dans le
village, il faut s'expatrier. Aussi, par une belle matinee de juillet,
voila qu'Elisabeth sort de la pauvre maison en donnant le bras au
vieillard. Ils se dirigent lentement vers une grande avenue ou la foule
afflue. C'est la que, de tous les environs, accourent les jeunes paysans
qui vendent leur travail aux fermiers. Elisabeth se mele au groupe des
jeunes filles, et, comme ses compagnes, elle porte un bouquet a son corsage
pour indiquer qu'elle veut entrer en condition; il y a toujours des fleurs
pour cacher les miseres de la vie. Un beau jeune homme s'arrete devant
elle, la considere un instant, puis s'adresse au vieillard et regle avec
lui les conditions du marche. C'est le fils d'un riche fermier de
Sainte-Croix; son pere l'a charge de lui ramener une servante pour traire
les vaches; Elisabeth parait pouvoir remplir ces fonctions. Le jeune homme
monte sur sa bonne jument normande et fait asseoir la jeune fille derri
|