bon Germain!... D'ailleurs, je ne
consentirais jamais a etre votre femme.
--Vous ne m'aimez donc plus?
--Je vous aime toujours. Mais la souffrance m'a vieillie; et j'ai reflechi
a bien des choses aupres desquelles je passais etourdiment jadis; et je me
suis dit que la femme doit, avant tout, defendre sa purete... Lorsqu'un
homme a perdu l'honneur, on dit qu'il a ete lache et tout le monde le
meprise. Notre honneur a nous, c'est notre vertu! Lorsque nous n'avons pas
su la garder, nous sommes laches comme l'homme qui a manque a l'honneur. Je
ne voudrais pas epouser un homme lache... Vous ne pouvez epouser une femme
sans vertu.
--Elisabeth, Elisabeth! dit Germain, ne vous jugez pas ainsi!
--Je parle comme le monde...
--Je me moque du monde et de ses jugements. Je ne sais qu'une chose: c'est
que je vous estime, c'est que je vous aime!... Ne partez pas!
--C'est impossible! on m'a chassee d'ici.
--Et moi je vous dis d'y rester! Je suis le maitre apres tout! et ma mere
ne me tiendra pas toujours...
--Une brouille avec votre mere? Voila ce que je veux eviter a tout prix. Je
vais partir.
--Pour aller?
--Chez mon pere. Il n'y a que Dieu et lui qui puissent me pardonner.
--Mes larmes ne vous flechiront pas?
--Ma resolution est prise.
--Eh bien! vous ne partirez pas seule! dit Germain.
Et le jeune homme sortit sous le coup d'une terrible emotion. Elisabeth
resta quelques instants immobile, les yeux fixes sur la porte qui venait de
se refermer. Puis elle eclata en sanglots.
--Mon Dieu! dit-elle, est-ce que la punition ne depasse pas la faute?
Elle promena un regard desole sur les murs de sa petite mansarde, dont
chaque meuble etait un souvenir. C'etaient le lit, ou elle goutait un si
doux sommeil, le benitier de faience surmonte d'un Christ ou elle puisait
pieusement de l'eau benite tous les matins a son reveil, la petite table
sur laquelle elle lisait le dimanche, la chaise sur laquelle elle se
bercait en pensant a son pere infirme, a sa mere qui reposait sous le vieil
if du cimetiere, a ses amis d'enfance. Elle se sentait le coeur gros a
l'idee de quitter ces vieilles connaissances qui l'avaient vue rever, prier
et pleurer! Et cette admirable campagne que l'on apercevait de la fenetre!
et ce bois sombre qui s'arrondissait a l'horizon comme une epaisse
chevelure! et le clocher d'Audrieu qui se detachait en noir sur le bleu du
ciel! Que de poesie, a l'heure des adieux, dans toutes ces choses qui lu
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