i avaient roule a terre.
Ces paroles rappelerent Elisabeth au sentiment de sa position; elle fit un
violent effort sur elle-meme et se leva.
--Merci! repondit-elle en detournant la tete.
--Vous les dedaignez?
--J'aime mieux vous avoir servie pour rien!
--Pour rien, dites-vous? repliqua brutalement maitresse Gilles; et vous
avez fait le malheur de mon fils!
Ces derniers mots firent tressaillir la jeune fille. Elle leva noblement la
tete et obligea la fermiere a baisser les yeux sous son regard.
--Maitresse Gilles, dit-elle, apprenez que le malheur n'a frappe chez vous
qu'une seule personne, et cette personne, c'est moi! Si je ne respectais
votre mari, si je ne... pardonnais a Germain, je ne partirais pas d'ici
sans vous maudire... Vous comprendrez plus tard combien vous avez ete
injuste et cruelle a l'egard d'une pauvre enfant, qui ne se croyait pas en
danger sous votre toit... Je ne demande pas d'autre vengeance; et, lorsque
je sortirai de cette maison, d'ou vous me chassez indignement, pas une
parole de haine ne s'echappera de ma bouche... Je trouverai peut-etre meme
la force d'appeler sur elle la benediction du ciel.
A ces mots, elle disparut dans l'interieur de la maison.
Le fermier et son fils, apres le premier epanchement, furent tout surpris
de ne plus voir maitresse Gilles a leurs cotes; ils l'apercurent bientot
pres de la porte de la cuisine et marcherent a sa rencontre.
--Tu sais tout? dit le fermier en s'essuyant les yeux du revers de sa
manche, et tu pardonnes a Germain?
--Il le faut bien, repondit la fermiere en se baissant pour ramasser les
ecus qui etaient restes au pied du banc.
--Qu'est-ce que c'est que cet argent? demanda maitre Gilles?
--Ce sont les gages d'Elisabeth.
--Tu la paies d'avance?
--Je la mets a la porte.
--Vous la chassez! s'ecria Germain. Voyons... vous plaisantez, ma mere?
--Je ne plaisante pas; je ne veux pas garder une fille de mauvaise vie chez
moi.
--Mais c'est moi qui ai fait tout le mal! reprit le jeune homme.
--Et c'est a moi de le reparer, repondit la fermiere.
--Tu as tort, ma femme, hasarda maitre Gilles.
--Tais-toi, lui dit maitresse Gilles; cela ne te regarde pas.
--Comment! mon pere, vous souffrirez une pareille indignite? dit Germain en
voyant le fermier se preparer a la retraite.
--Petite pluie abat grand vent, lui repondit maitre Gilles a voix basse;
dans moins d'une heure ta mere ne songera plus a renvoyer sa servante.
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