ee. On m'a deja reproche ce matin de
voler le pain que je mange.
--Qui a pu dire cela? s'ecria Germain.
--Votre mere, dit Elisabeth. Vous voyez bien que vous avez tort de vous
interesser a une voleuse!
--Voyons, Elisabeth, ne vous fachez pas ainsi. Vous n'ignorez pas que ma
mere est un peu vive...
--Je ne l'ignore pas.
--Au fond, c'est une bonne femme...
--Je n'en doute pas.
--Et, malgre ses brutalites, elle vous aime.
--Oui... qui aime bien chatie bien, dit Elisabeth avec amertume.
--Elle vous excuserait, si elle connaissait votre etat de souffrance...
--Elle ne le saura jamais, s'ecria Elisabeth; j'aimerais mieux tomber morte
a cette place que de faire un pareil aveu!
--Mais moi, reprit Germain, moi, qui suis le vrai coupable, si j'allais me
jeter aux pieds de ma mere, lui avouer notre faute, lui demander pardon
pour vous et pour moi?
--Elle vous pardonnerait, Germain, car elle est votre mere; mais elle me
mettrait honteusement a la porte... Oh! que cela ne vous surprenne point,
ajouta Elisabeth en remarquant le mouvement d'indignation du jeune homme;
la scene qui s'est passee ce matin entre votre mere et moi m'a ouvert les
yeux. Malheur a moi d'avoir ete jeune! malheur a moi d'avoir manque
d'experience! Je ne devais pas accepter les fleurs que vous m'apportiez; je
ne devais pas m'apercevoir que vous me regardiez avec tendresse; je ne
devais pas vous savoir gre des attentions que vous aviez pour moi, des
peines que vous m'epargniez; je ne devais pas surtout vous laisser voir ma
reconnaissance, ni vous avouer ma preference pour vous, ni vous sourire,
non! Germain, je ne devais pas vous aimer, parce que vous etiez mon maitre!
Malheur a moi! car vous etes riche et vos parents voudront vous marier a
une riche fermiere. Et vous aurez beau dire que vous m'aimez, on ne vous
ecoutera pas; et vous aurez beau chercher a me retenir pres de vous, moi je
vous fuirai, parce que si je cedais a vos instances, on m'accuserait de
vous avoir aime pour votre fortune. Vous-meme, vous le croiriez peut-etre
plus tard... O ma mere! Si j'avais eu ma mere pres de moi, si elle avait
existe seulement! L'idee de me representer devant elle apres ma faute me
l'eut fait eviter... car elle m'avait elevee honnetement, et je n'etais pas
nee mauvaise. Mais Dieu me l'a enlevee trop tot, et le souvenir des morts
n'est pas assez puissant pour nous arreter... O ma mere! ma mere! que
n'etiez-vous-la!
Germain etait profondement em
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