d'une arme a feu
reveille les echos d'une solitude. Elle se retourna et apercut une vachere
qui sortait du champ voisin.
--Bonjour, Elisabeth, dit cette fille.
--Bonjour, Francoise, repondit-elle. Vous m'avez fait bien peur.
--Je ne suis pourtant pas effrayante... quoique je n'aie pas un si bel
amoureux que vous, reprit Francoise avec une nuance de jalousie. Au
surplus, je ne m'en plains pas; car, a ce jeu-la, on perd souvent sa
tranquillite.
--Viens, Jacquot, dit Elisabeth en tirant l'ane par la bride.
--Vous etes bien fiere maintenant! continua Francoise avec un mechant
sourire. Vous avez l'air de fuir le monde et vous ne venez plus danser, le
soir, sous les grands marronniers. Vous avez pourtant la taille plus fine
que moi; vous ne devriez pas avoir honte de la montrer.
Elisabeth detourna la tete, car elle se sentait horriblement rougir. Elle
s'eloigna le plus vite possible, entrainant Jacquot qui ne comprenait rien
a ce changement subit d'allure. Francoise la poursuivait encore de ses
railleries. Elisabeth hata le pas et, lorsqu'elle fut arrivee pres de la
barriere de l'herbage ou reposaient ses vaches, elle se prit a pleurer
amerement.
--Mon Dieu, que je suis malheureuse! dit-elle: me voila forcee de rougir
devant Francoise, qui passe pour la plus mauvaise fille du pays. Je suis
donc perdue! je n'ai plus qu'a mourir, si, malgre mes precautions, je n'ai
pu cacher... Mon Dieu! mon Dieu! que vais-je devenir?
Comme elle pleurait, elle entendit le beuglement bien connu de ses vaches
qui l'avaient apercue, pres de la barriere, et attendaient impatiemment
qu'on vint les debarrasser de leur fardeau.
--Les pauvres betes! ne croirait-on pas qu'elles m'appellent? se dit
Elisabeth.
Elle essuya ses larmes, ouvrit la barriere et entra dans l'herbage, suivie
de Jacquot, qui ne se contenta pas de tondre du pre la largeur de sa
langue. Les vaches quitterent le bas de l'herbage pour venir a la rencontre
de la jeune fille. Elisabeth vit une preuve d'attention dans cet
empressement, qu'il etait plus simple d'attribuer au besoin qu'elles
ressentaient d'etre delivrees du trop plein de leurs mamelles. Mais au
coeur blesse tout est sujet de consolation, et ceux qui ont a se plaindre
des hommes trouvent souvent un charme inconnu dans les soins qu'ils ont
l'habitude de donner aux animaux. Dans les jours tranquilles, on ne songe
guere a son chien que pour lui jeter, d'une facon peu polie, les quelques
bribes qui compos
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