pas?... Que personne ne la termine...
qu'elle reste inachevee, comme ma destinee!
--Si vous m'aimez, Francois, vous reprendrez courage... Mon pere est parti
pour chercher du secours...
--Votre pere! s'ecria Francois avec horreur.
--Quoi? dit Marie plus pale que son amant.
--Je lui pardonne tout, murmura Francois.
Pas un mot d'accusation ne sortit de sa bouche. Ce sublime effort l'avait
epuise, et sa tete retomba lourdement sur les genoux de la jeune fille.
Folle de douleur et d'amour, Marie serra Francois contre sa poitrine et lui
donna un baiser brulant. Le jeune homme se ranima sous cette etreinte
passionnee, et ses yeux reprirent tout leur eclat.
--Marie, dit-il; au nom du ciel! laissez-moi.
--Je vous abandonnerais!...
--Vous n'avez jamais vu mourir... Je veux vous epargner cet horrible
spectacle.
--Mais... vos yeux s'animent et votre voix est sonore?
--Mon pere etait ainsi quand il tomba du haut de son echafaudage. Il nous
parla avec force... puis... tout d'un coup...
--Oh! vous me desesperez, Francois! s'ecria Marie en eclatant en sanglots.
--Voyez-vous comme le ciel s'illumine? reprit Francois. Toutes ces etoiles
qui brillent au-dessus de nos tetes, ce sont les cierges de mes
funerailles, les funerailles du pauvre... Et pourtant je voudrais si bien
vivre, vivre pour vous, pour mon eglise, pour ces beaux astres! Nous
aurions eu tant de bonheur! Mais Dieu ne le veut pas, et nous nous
reverrons au ciel. Marie, vous vous rappelez ce petit buisson d'eglantier
ou vous aviez cueilli une rose?... Vous le planterez sur ma tombe, et tous
les ans... Oh! mes yeux se troublent... Mon Dieu, mon Dieu!... Votre main,
Marie... Encore un baiser!
Marie approcha ses levres de celles du jeune homme.
Quand elle releva la tete, l'ange de la mort avait passe entre les deux
amants; et l'ame de Francois etait allee rejoindre celle de sa mere.
Absorbee qu'elle etait dans sa douleur, la jeune fille n'entendit pas son
pere qui revenait de laver sa blessure a une source voisine. Pierre
Vardouin l'ayant appelee, elle leva vers le maitre de l'oeuvre ses yeux
egares. Un frisson glacial parcourut alors tous ses membres. Elle venait
d'apercevoir le front meurtri de son pere; et, de la, son regard s'etait
abaisse fatalement sur le ciseau que Francois tenait encore dans la main
droite.
L'affreux mystere s'etait fait jour dans son esprit. Elle poussa un cri
d'horreur et tomba presque inanimee aux pieds de Francois.
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