auteur dramatique qui noue et denoue,
suivant son caprice, les fils de son intrigue. Mais la piece devenait
serieuse; il eut un moment d'inquietude et d'hesitation.
Pierre Vardouin avait etudie avec lui le grand art des maitres de l'oeuvre.
Pendant trois ans ils s'etaient coudoyes dans les memes chantiers; ils
avaient mis leurs plaisirs et leurs chagrins en commun; ils se confiaient
leurs projets, se disaient leurs esperances. Refuserait-il maintenant a son
ancien camarade une legere satisfaction d'amour-propre? Il n'avait qu'un
mot a dire pour le voir sauter a son cou et pleurer de joie. D'un autre
cote, qui pouvait lui repondre des moyens de Francois Regnault, a qui il
commencait a penser serieusement pour lui confier la direction des travaux
de Norrey? Le jeune homme avait de l'enthousiasme, mais il manquait
d'experience; il n'avait pas encore fait ses preuves. Les sentiments
d'Henri Montredon allaient de Francois a Pierre Vardouin qui semblait, en
derniere analyse, etre sur le point de faire pencher la balance de son
cote, lorsqu'un sanglot de Marie, entendu seulement de Montredon, vint tout
a coup terminer ce combat interieur en faveur de Francois.
--Elle l'aime, se dit-il; son pere est vieux et n'a plus longtemps a vivre;
il est juste que sa vanite se taise devant le bonheur de sa fille.
Pierre Vardouin s'etait leve et avait recommence sa promenade furieuse.
C'etait le moyen qu'il employait d'ordinaire pour dissiper ses
emportements. Henry Montredon l'arreta au passage en lui appliquant
familierement la main sur l'epaule.
--Pierre Vardouin, lui dit-il, consentirais-tu, pour tout l'or du monde, a
faire quelque chose de nuisible a ta reputation?
--Non, par Saint Pierre; mon patron!
--Ecoute-moi alors... Le maitre de l'oeuvre de Saint-Ouen m'a fait mander
qu'il connait le but secret de ma mission et qu'il saura bien me perdre, si
je confie la construction de l'eglise de Norrey a un homme de talent. Il
est jaloux! Comprends-tu maintenant pourquoi je ne t'ai pas propose cette
affaire?
--Merci! s'ecria Pierre Vardouin en serrant energiquement la main de son
ancien camarade; merci! cela me fait du bien de savoir que mon clocher de
Bretteville n'aura pas a craindre la comparaison.
--J'ai donc besoin d'un homme incapable, continua Henri Montredon... Ou le
trouver?
--Je ne sais.
--La chose n'est pas rare cependant. Dans tous les cas, un homme
inexperimente ferait bien mon affaire... J'ai pense a Franco
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