ts. Mauvaise education! Ils n'ont plus de
courage dans les jours malheureux.
--Il y a des exceptions, soupira Marie.
--De quoi te plains-tu? Je ne te donne pas assez de liberte peut-etre?
--Vous m'enfermez a clef.
--Par saint Pierre, mon patron! je te sais gre de ta franchise. J'oubliais
que les filles se fatiguent de l'autorite paternelle, quand elles ont
depasse vingt ans.
En disant cela, Pierre Vardouin se mit a sourire. Marie, encouragee par son
air affable, eut une lueur d'esperance. Elle courut vers son pere et lui
fit mille caresses.
--Vraiment! mon pere, dit-elle en cherchant a lire dans ses yeux, vous
auriez l'intention?...
--De te marier... Qu'y a-t-il la d'etonnant?
Marie poussa un cri de joie. Cette revelation repondait au plus cher de ses
desirs.
--Tu consens donc a quitter ton vieux pere? dit le maitre de l'oeuvre en
passant doucement la main dans les cheveux de sa fille.
--Tot ou tard, mon pere, il le faudra bien.
--Et: mieux vaut tot que jamais? dit Pierre Vardouin en retournant le
proverbe.
Marie ne chercha point a repondre a cette plaisanterie. Elle se serait
d'ailleurs mal defendue. Son visage etait rayonnant.
--Vous l'avez donc vu? demanda-t-elle a son pere.
--Aujourd'hui meme.
--Il vous a dit combien il a souffert?
--Sans doute. Le pauvre garcon attendait depuis si longtemps. Il s'est jete
a mon cou en pleurant. Alors, pour le consoler: "Dans peu de jours, lui
ai-je dit, dans peu de jours, Louis Rogier, vous serez le plus heureux des
hommes."
Les joues de Marie se couvrirent d'une paleur mortelle.
--De qui voulez-vous parler? demanda-t-elle avec angoisse.
--De Louis Rogier, parbleu! du fils de l'echevin.
--Ce n'est pas lui! s'ecria la jeune fille en laissant tomber sa tete dans
ses mains. Ah! vous etes cruel, mon pere.
--Quoi! tu pensais encore a l'autre?
--Il a ma parole, repondit simplement Marie.
--Il n'y tient guere, crois-moi. S'il t'aimait sincerement, est-ce qu'il
aurait mis huit ans, et plus, a construire l'eglise de Norrey?
--Il n'a fait que son devoir.
--Oui; mais il est plus epris de son oeuvre que de toi, ma pauvre enfant.
On le salue du nom de maitre illustre; tout Bretteville va admirer son
travail... On me delaisse moi! pour ce miserable apprenti, qui sait a peine
begayer son art... La fumee de l'orgueil lui derobe le souvenir de ce qu'il
nous doit. Il reve deja une alliance plus relevee. Il te dedaigne.
--Je ne le crois pas.
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