t pleine de douleurs, et je n'ai personne
avec qui pleurer!... Ma mere, ma pauvre mere! elle n'est plus la
pour me donner des consolations. Je n'ai meme plus la force de la
resignation. Je me sens tout pret a blasphemer. Je ne sais quelle
voix me crie que vous m'aimez toujours; et cependant le doute,
l'inquietude me torturent a chaque heure du jour et de la nuit.
J'ai du courage et j'ai peur. Je suis fort et je tremble! Ce n'est
deja plus un pressentiment. On m'a dit que votre pere veut vous
marier. Ce bruit-la est absurde, n'est-ce pas? Ce serait un crime
de vous supposer capable d'un parjure. Mais si votre pere vous
enferme comme dans une prison, il peut bien vous conduire de force
a l'autel. Cette pensee me brise le coeur, et je ne me sens plus
maitre de ma volonte. Marie, ayez pitie de moi! Il faut que je vous
parle, que j'entende votre voix, que je touche votre robe,
dussiez-vous vous attirer la colere de votre pere. Ce soir, je vous
attendrai aupres de l'eglise de Norrey. Venez, lorsque le soleil
aura disparu a l'horizon, venez rendre le calme au coeur de votre
ami...
"Oh! ne craignez rien; si sa raison l'abandonne parfois, c'est
quand il desespere de vous voir. Votre presence le guerira. Ne
craignez rien! Nous ne serons pas seuls. Ma mere elle-meme nous
entendra, nous surveillera, comme autrefois. Sa tombe sera sous nos
pieds, a cote de celle de mon pere. Adieu, Marie! Pardonnez-moi;
mais ne me refusez pas!"
La jeune fille n'eut pas le loisir de s'abandonner a l'emotion que lui
causaient les plaintes de Francois. On venait de refermer brusquement la
porte de la rue, et les pas de son pere resonnerent pesamment sur les
degres de l'escalier. Elle n'eut que le temps de cacher la lettre et de
passer son mouchoir sur ses yeux. Pierre Vardouin etait deja dans la
chambre.
--Ces pleurs-la n'auront donc pas de fin? dit le maitre de l'oeuvre d'une
voix dure.
--Je pensais aux jours de mon enfance, repondit Marie en essayant de
sourire.
--Tu auras bien assez de sujets de chagrin dans l'avenir sans en demander
au passe, reprit Pierre Vardouin. Quand tu auras vieilli comme moi, tu
connaitras le prix des larmes.
--Je ne suis pas encore endurcie, dit Marie.
--Voila precisement le mal, continua Pierre Vardouin en deposant son
manteau. Dans la vie, les parents se contentent des fruits amers et
abandonnent les bons aux enfan
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