e, plein de
confusion et de regrets, s'accusant deja de trop d'audace. Il ne savait
comment trouver des paroles d'excuse, lorsque, en se retournant, il comprit
a l'air souriant de Marie qu'il etait pardonne. Il se rapprocha d'elle, et,
prenant une de ses mains dans les siennes:
--Marie, dit-il, nous nous aimons. Nous pouvons nous le dire sans crainte
aujourd'hui, parce que nous sommes trop jeunes pour etre persecutes...
Mais, plus tard, Marie, si l'on voulait nous separer, trouveriez-vous la
force de resister?
--Vous savez que je depends de mon pere, repondit tristement Marie.
--C'est cela! s'ecria Francois d'une voix pleine d'angoisses. Entre moi,
pauvre ouvrier, et vous, fille d'un maitre de l'oeuvre, il y a des
barrieres infranchissables! Et pourtant, je vous aime! Je sens que pour
vous posseder je serais capable de tout au monde. J'ai de l'intelligence?
je la cultiverais, je l'agrandirais, je travaillerais, je travaillerais
jusqu'a en mourir! Mais ce sont des voeux inutiles. Esprit, courage,
imagination, travail, tout cela n'est rien sans la naissance. Il me
faudrait un titre, des chateaux, et je n'en ai pas! Tant d'autres ont de
l'or! Pourquoi suis-je parmi les miserables? Est-ce que je ne suis pas
autant, peut-etre plus que nos suzerains? Est-ce que je ne pense pas? Oh!
voyez-vous, quand ces idees me montent a la tete, je suis pris d'une haine
immense contre les puissants de la terre. Je voudrais bruler les repaires
de cette race d'oppresseurs! Ou plutot,--car je ne me sens pas ne pour le
meurtre,--je voudrais immortaliser ma vengeance par la pierre, en faisant
grimacer au sommet de nos eglises, sous la forme de monstres et de
reptiles, les figures de nos tyrans!
Le jeune homme s'arreta, haletant, a bout de forces, epuise par l'emotion.
Son regard lancait des eclairs de fureur, et les passions grondaient
sourdement dans sa poitrine. Marie le considerait avec un sentiment de
pitie et d'effroi.
--Est-ce encore moi, dit-elle, qui vous inspire ces paroles de haine et
d'orgueil?
--Ne me faites pas de reproches, repondit Francois. Je suis si malheureux!
--Pourquoi vous decourager? Qui vous dit que Dieu ne viendra pas a votre
secours? Vous etes malheureux? Est-ce que je ne vous aime plus? Les hommes
vous dedaignent?... Est-ce que mon pere ne songe pas a vous? Croyez-vous
qu'il n'apprecie pas votre talent?
--Vous aurait-il parle de moi? s'ecria Francois, en interrogeant avidement
la jeune fille de la voix
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