et du regard.
--Vous savez, repondit Marie, que mon pere commence a vieillir. Le travail
le fatigue. Il sentira le besoin d'un aide jeune, intelligent...
--Mais je travaillerais sous ses ordres, reprit Francois. Je ne serais pas
son egal; il aurait le droit de me mepriser. Il me refuserait votre main!
--C'est le demon qui vous fait parler aussi mechamment, Francois. Prenez
garde! Vous avez de bonnes inspirations, mais l'orgueil vous perdra.
Rappelez-vous l'histoire de Hugues. Il avait du genie, et l'ambition le
conduisit a l'abime. L'esprit du Seigneur l'abandonna; il depouilla l'habit
monacal pour se jeter dans une vie de desordre. Dieu, pour le punir, lui
envoya une maladie mortelle...
--Vous avez raison, Marie. Mais vous oubliez que la Vierge lui apparut au
sommet de la croix. Le globe d'azur qui la derobait aux regards s'ouvrit
merveilleusement en deux parties, et, dans le milieu, on vit la Reine du
Ciel sous des vetements fins et ineffables. La mere de Dieu descendit le
long de la croix en semant des etoiles sur sa route. Elle s'assit pres du
pecheur et lui rendit la sante... Vous etes pour moi cette bienheureuse
apparition. Vous avez fait briller l'esperance a mes yeux... Et avec
l'esperance, le calme et le repentir sont entres dans mon coeur.
En achevant ces mots, Francois se jeta aux genoux de Marie et demeura dans
une muette contemplation. Quand il se releva, son visage etait rayonnant.
Mais, tout a coup, il poussa un cri de surprise et recula de plusieurs pas,
jusqu'au bord du ruisseau.
III
Maitre et apprenti.
Un homme d'une taille elevee venait de paraitre au-dessus du buisson
d'eglantier. Au cri de Francois, Marie s'etait rapprochee instinctivement
de son ami et appuyait sa main tremblante sur son epaule. L'etranger
semblait s'amuser de leur effroi. Rien en lui cependant n'etait capable
d'exciter la terreur. Ses traits etaient severes, mais un sourire
bienveillant dessinait le contour de sa bouche. Une barbe longue et
grisonnante, des cheveux qui se deployaient avec grace sur son cou, apres
avoir laisse a decouvert un front large et pensif, des yeux pleins de
douceur, donnaient a sa physionomie un caractere de dignite et de bonte. A
son bonnet de peluche, a son petit manteau, a sa robe courte, a ses
chausses fines et collantes, Francois reconnut bientot qu'il avait devant
lui un maitre de l'oeuvre. Aussi s'inclina-t-il avec respect, quand
l'etranger s'approcha, apres avoir franchi d'
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