t de son fils. La
pauvre veuve, fidele a la memoire de son mari, allait, tous les dimanches,
prier sur sa tombe dans le cimetiere du petit village de Norrey. Marie et
Francois l'accompagnaient habituellement dans cette pieuse promenade. La
mere pleurait en songeant a la fin malheureuse de son mari; les deux jeunes
gens folatraient a ses cotes et se jetaient des fleurs. Celle-ci recitait
la priere des morts, ceux-la pensaient a leurs amours et revaient le
bonheur dans l'avenir.
Cependant, on etait arrive dans le cimetiere de Norrey. Tous trois
s'agenouillerent avec respect pres d'une humble croix de bois et prierent
du fond du coeur pour le pauvre ouvrier. Magdeleine, alors, fit signe aux
jeunes gens de se lever.
--Allez, dit-elle; votre age n'est pas fait pour de longues douleurs.
Laissez-moi prier seule et promenez-vous sous les grands arbres du bois
sans trop vous eloigner.
Marie passa son bras sous celui de Francois. Ils s'eloignerent lentement
sous l'oeil de la veuve qui, tout en priant pour le mort, demandait au ciel
de leur faire la vie douce et facile. Gais et folatres, il n'y a qu'un
moment, les jeunes gens avaient dans leur demarche quelque chose de
melancolique. Le devoir, qu'ils venaient d'accomplir, avait touche leur
esprit. Ou plutot, purs comme des anges, une voix interieure leur disait
que, maintenant qu'ils avaient echappe a la surveillance de Magdeleine, ils
devaient agir avec plus de reserve et reprimer les elans passionnes de
leurs coeurs. En echangeant quelques paroles, a de rares intervalles, ils
arriverent a l'entree du bois. Ils en connaissaient deja les moindres
allees et, sans qu'ils se communiquassent leurs impressions, leur promenade
les ramenait toujours vers un tertre vert, banc rustique dont la nature
avait fait tous les frais et ou les deux amants s'asseyaient sur un
moelleux coussin de mousse.
Le site etait ravissant et plein de fraicheur. A deux pas de la, une petite
source s'echappait de dessous terre, descendait, d'abord libre et degagee
de toute entrave, sur un terrain legerement incline, puis s'enfoncait en
murmurant sous les buissons, comme si elle eut reproche aux herbes et aux
jonquilles de lui barrer le passage. Plus loin, elle prenait possession de
son lit et venait, brillant ruisseau, former de petites cascades sous les
pieds des deux amants. Marie et Francois, les mains dans les mains,
admiraient sans mot dire ce petit coin de la creation qui, pour eux, valait
tout un
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