, entends-tu je ne le
veux pas.
--Vous me grondez, petit pere, dit Marie en jouant avec les cheveux du
vieillard et en lui donnant un baiser sur le front. Est-ce que vous avez a
vous plaindre de moi? J'ecoute docilement vos lecons; je chante quand vous
m'ordonnez de vous desennuyer; je prie le bon Dieu avec ardeur, matin et
soir, pour que vous soyez illustre et heureux, pour qu'il vous fasse
retrouver en votre fille les vertus qui distinguaient ma pauvre mere.
Enfin--et la jeune fille rendit sa voix encore plus caressante,--je vous ai
promis de me soumettre a vos volontes. Vous choisirez vous-meme mon mari,
et je ne me plaindrai pas, s'il a les yeux noirs comme ceux du fils de la
veuve Regnault. Mais voici les vepres qui sonnent, ajouta Marie avant de
quitter sa position de suppliante; vous ne me laisserez pas partir sans me
promettre d'etre plus indulgent pour Francois?
--Nous verrons! repondit Pierre Vardouin en embrassant sa fille.
Et Marie s'echappa des bras du maitre de l'oeuvre, emportant avec elle du
bonheur et de l'esperance pour le reste de la journee et s'attachant au
dernier mot de son pere, comme l'hirondelle, qui traverse les mers, se
repose sur le mat d'un navire afin d'y prendre la force de continuer son
voyage.
II
A propos d'une fleur.
Les premiers travaux de Pierre Vardouin a Bretteville avaient ete signales
par un triste evenement. Un tailleur de pierre s'etait brise la tete en
tombant du haut d'un echafaudage. Marie, qui n'avait alors que huit ans,
etait presente a l'agonie du pauvre ouvrier. La vue du sang la glaca
d'effroi; puis son coeur se gonfla et ses larmes coulerent, quand on
emporta le corps de la victime et lorsqu'elle entendit les gemissements de
sa femme et de son enfant. Elle suivit son pere dans la maison de ces
infortunes. A partir de ce jour, la veuve Regnault et son fils devinrent
les proteges de Pierre Vardouin. Francois entra comme apprenti chez le
maitre de l'oeuvre. En nettoyant les outils, en preparant les mortiers,
l'adolescent n'aurait gagne qu'un faible salaire si son patron ne l'eut
recompense plus largement en souvenir de ses malheurs. A part cette
charite, Pierre Vardouin s'inquietait fort peu de son apprenti, le croyant
destine, comme son pere, a mener une vie obscure et laborieuse.
Une seule personne remarqua ses heureuses dispositions. C'etait la petite
Marie. Elle aimait a s'entretenir avec lui; elle lui racontait les belles
legendes des saints qu
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