ez pas encore. A la baionnette! mes
amis, a la baionnette!
Il avait recharge sa carabine et il tira un second coup de feu dans la
masse des Anglais.
--A la baionnette! reprit-il d'une voix courroucee.
A ces mots il agita les touffes de saules; puis il traversa bravement la
haie et s'elanca a la rencontre des Anglais.
--Sauve qui peut! s'ecria l'ennemi qui se croyait attaque par des forces
superieures.
De tous les cotes a la fois les Anglais gagnerent le haut de la dune, se
precipiterent sur le rivage et se jeterent dans les barques.
Cabieu eut encore le temps de leur envoyer deux coups de fusil, avant
qu'ils eussent pris la mer.
Son frere le rejoignit sur les bancs de sable; il battait toujours du
tambour.
--Tu peux te reposer, lui dit Cabieu en riant, ils sont partis. La farce a
reussi.
--Tiens, Michel, dit le soldat du regiment de Forez en sautant au cou de
son frere, s'il y avait en France dix generaux comme toi, M. Pitt n'oserait
plus nous faire la guerre.
IV
A cet instant, les deux freres entendirent des gemissements derriere eux.
Ils remonterent sur la dune, et, apres avoir cherche quelque temps au
hasard dans les tenebres, ils trouverent un homme qui se debattait sur le
sable.
Ils se pencherent sur le blesse et ils constaterent qu'il avait une cuisse
cassee et l'autre percee par une balle. Ils le souleverent et le
transporterent dans la maison du garde-cote.
--Les Anglais sont partis, dit Cabieu en embrassant sa femme. Nous amenons
un prisonnier qu'il faut soigner comme si c'etait l'un des notres.
Ils le soignerent si bien qu'au bout de deux jours le blesse recouvra sa
connaissance. Il se nomma. C'etait un bas officier qui commandait un des
detachements, et qui, selon toute apparence, etait fort estime; car le
commandant de l'escadre le fit demander en offrant de renvoyer les quatre
garde-cotes et le deuxieme soldat du regiment de Forez que les Anglais
avaient faits prisonniers. La proposition fut acceptee, et l'echange eut
lieu.
Quelques jours apres, l'escadre anglaise mit a la voile, et les cotes de la
basse Normandie ne furent plus inquietees jusqu'a la signature du traite de
Paris.
L'esprit et le courage de Cabieu avaient sauve le pays.
Le ministre lui accorda une gratification de deux cents livres et lui
ecrivit une lettre de satisfaction pour sa manoeuvre.
Ce fut tout. Mais l'opinion publique fut plus genereuse que le Tresor
royal. L'exploit de l'humble gar
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