un si joli tour a nos amis les Anglais!
Il se pencha sur le berceau et embrassa l'enfant qui dormait. Quand il se
releva, ses yeux etaient humides. Madeleine s'apercut de son emotion. Elle
essaya d'en profiter pour le faire renoncer a son projet.
--Michel, dit-elle en se placant entre la porte et son mari, tu n'auras pas
le coeur de nous abandonner, moi et ton enfant! Nous sommes sans defense!
--L'ennemi ne pense pas a vous. Vous n'avez rien a craindre.
--Si tu pars, Michel, je suis sure que je ne te reverrai plus. J'en ai le
pressentiment!
--N'essaie pas de m'attendrir, Madeleine. Je ne changerai pas de
resolution. Allons! dis-moi adieu. Nous avons deja perdu trop de temps.
La jeune femme fondit en larmes et se jeta dans les bras de son mari.
--Reste! lui dit-elle d'une voix brisee.
--Tu veux donc me deshonorer? dit Cabieu avec severite.
--Non, tu ne seras pas deshonore. On ne saura pas que je t'ai reveille dans
la nuit. On croira que tu dormais. On ne te fera pas de reproches.
--Et ma conscience? dit le garde-cote. Allons! Madeleine, embrasse-moi et
laisse-moi partir.
Il serra sa femme contre son coeur, la poussa doucement de cote et ouvrit
la porte.
--Et ton fils! s'ecria Madeleine en cherchant a retenir son mari avec cette
derniere priere. Il est si jeune. Si tu ne reviens pas, il n'aura pas connu
son pere.
--Tu lui diras plus tard pourquoi je ne suis pas revenu; et il apprendra a
me connaitre, s'il a du coeur... Adieu, Madeleine, adieu!
Et l'on n'entendit plus dans la nuit que les sanglots de la femme et le
bruit des pas de Cabieu qui s'eloignait.
II
A quelque distance de sa maison, Cabieu sauta dans le creux d'un fosse qui
separait les dunes de la campagne. Il esperait ainsi echapper aux regards
de l'ennemi. Apres avoir couru quelques minutes, il arriva au bord d'un
chemin qui conduisait a la mer. Tout a coup un homme se presenta devant
lui. Le sergent epaula sa carabine et coucha en joue l'inconnu.
--Arrete! lui cria-t-il, ou tu es mort!
L'homme s'arreta au milieu de la route, et Cabieu marcha a sa rencontre.
--Il parait, mon drole, lui dit le garde-cote, que tu comprends bien le
francais?
--Aussi bien que vous le parlez, repondit l'etranger sans le moindre
accent; et c'est pour cela que j'ai cru devoir vous obeir. J'ai devine que
j'avais affaire a un ami.
--Tu es donc un de mes compatriotes?
--Mieux que cela, un de tes parents. Je t'ai reconnu a la voix. S
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