cohue s'etait eclaircie, et maintenant ceux qui
arrivaient couraient, car l'heure allait sonner.
"Je crois bien que les jeunes vont etre en retard", dit Rosalie a
mi-voix.
L'horloge sonna, il y eut une derniere poussee, puis quelques
retardataires parurent a la queue leu leu, essouffles, et la rue
se trouva vide; cependant Talouel ne quitta pas sa place et, les
mains dans les poches, il continua a regarder au loin, la tete
haute.
Quelques minutes s'ecoulerent, puis apparut un grand jeune homme
qui n'etait pas un ouvrier, mais bien un monsieur, beaucoup plus
monsieur meme par ses manieres et sa tenue soignee que l'ingenieur
et les employes; tout en marchant a pas hates il nouait sa
cravate, ce qu'il n'avait pas eu le temps de faire evidemment.
Quand il arriva devant le directeur, celui-ci ota son chapeau
comme il l'avait fait pour M. Vulfran, mais Perrine remarqua que
les deux saluts ne se ressemblaient en rien.
"Monsieur Theodore, je vous, presente mon respect", dit Talouel.
Mais bien que cette phrase fut formee des memes mots que celle
qu'il avait adressee a M. Vulfran, elle ne disait, pas du tout la
meme chose, cela etait evident aussi.
"Bonjour, Talouel. Est-ce que mon oncle est arrive?
-- Mon Dieu oui, monsieur Theodore, il y a bien cinq minutes.
-- Ah!
-- Vous n'etes pas le dernier; c'est M. Casimir qui aujourd'hui
est en retard, bien que comme vous il n'ait pas ete a Paris; mais
je l'apercois la-bas."
Tandis que Theodore se dirigeait vers les bureaux, Casimir
avancait rapidement.
Celui-la ne ressemblait en rien a son cousin, pas plus dans sa
personne que dans sa tenue; petit, raide, sec; quand il passa
devant le directeur, cette raideur se precisa dans la courte
inclinaison de tete qu'il lui adressa sans un seul mot.
Les mains toujours dans les poches de son veston, Talouel lui
presenta aussi son respect, et ce fut seulement quand il eut
disparu qu'il se tourna vers Rosalie:
"Qu'est-ce qu'elle sait faire ta camarade?
Perrine repondit elle-meme a cette question:
"Je n'ai pas encore travaille dans les usines", dit-elle d'une
voix qu'elle s'efforca d'affermir.
Talouel l'enveloppa d'un rapide coup d'oeil, puis s'adressant a
Rosalie:
"Dis de ma part a Oneux de la mettre aux wagonets[1], et ouste!
plus vite que ca.
-- Qu'est-ce que c'est que les wagonets?" demanda Perrine en
suivant Rosalie a travers les vastes cours qui separaient les
ateliers les uns des autres. Serait-e
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