donc, balayeur; et ta soeur? Bonjour, monsieur le brocanteur. Ah!
vous etes buveur? ca fait mon bonheur, peut-etre votre malheur. Ca
donne la jaunisse; faut aller a l'hospice; voyez la directrice;
mangez de la reglisse; mon pere en vendait et m'en regalait, aussi
ca m'allait. Ce que j'ai sef, monsieur le chef, sef, sef, sef!"
De temps en temps la voix se ralentissait et faiblissait comme si
le sommeil allait bientot se produire; mais tout de suite elle
repartait plus hatee, plus criarde, et alors celles qui avaient
commence a s'endormir se reveillaient en sursaut en poussant des
cris furieux qui epouvantaient la Noyelle, mais ne la faisaient
pas taire:
"Pourquoi que vous me brutalisez? Ecoutez, pardonnez, c'est assez.
-- Vous avez eu une belle idee de la monter!
-- C'est te qu'as voulu.
-- Si on la redescendait?
-- On ne dormira jamais;"
C'etait bien le sentiment de Perrine qui se demandait si c'etait
vraiment ainsi tous les dimanches, et comment les camarades de la
Noyelle pouvaient supporter son voisinage: n'existait-il pas a
Maraucourt d'autres logements ou l'on pouvait dormir
tranquillement?
Il n'y avait pas que le tapage qui fut exasperant dans cette
chambree, l'air aussi qu'on y respirait commencait a n'etre plus
supportable pour elle: lourd, chaud, etouffant, charge de
mauvaises odeurs dont le melange soulevait le coeur ou le noyait.
A la fin cependant le moulin a paroles de la Noyelle se ralentit,
elle ne lanca que des mots a demi formes, puis ce ne fut plus
qu'un ronflement qui sortit de sa bouche.
Mais, bien que le silence se fut maintenant etabli dans la
chambre, Perrine ne put pas s'endormir: elle etait oppressee, des
coups sourds lui battaient dans le front, la sueur l'inondait de
la tete aux pieds.
Il n'y avait pas a chercher la cause de ce malaise: elle etouffait
parce que l'air lui manquait, et si ses camarades de chambree
n'etouffaient pas comme elle, c'est qu'elles etaient habituees a
vivre dans cette atmosphere, suffocante pour qui couchait
ordinairement en plein champ.
Mais puisque ces femmes, des paysannes, s'etaient bien habituees a
cette atmosphere, il semblait qu'elle le pourrait comme elles:
sans doute il fallait du courage et de la perseverance; mais si
elle n'etait pas paysanne, elle avait mene une existence aussi
dure que la leur pouvait l'etre; meme pour les plus miserables, et
des lors elle ne voyait pas de raisons pour qu'elle ne supportat
pas ce qu'elles sup
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