d'arbres dont les
files s'enchevetraient en lignes confuses?
Elle resta la un moment, puis, la place ne lui paraissant pas
bonne pour s'asseoir, elle continua son chemin qui, quittant le
bord de l'entaille, s'elevait sur la pente d'un petit coteau
boise; dans ce taillis sans doute elle trouverait ce qu'elle
cherchait.
Mais, comme elle allait y arriver, elle apercut au bord de
l'entaille qu'elle dominait une de ces huttes en branchages et en
roseaux qu'on appelle dans le pays des aumuches et qui servent
l'hiver pour la chasse aux oiseaux de passage. Alors l'idee lui
vint que, si elle pouvait gagner cette hutte, elle s'y trouverait
bien cachee, sans que personne put se demander ce qu'elle faisait
dans les prairies a cette heure matinale, et aussi sans continuer
a recevoir les grosses gouttes de rosee qui ruisselaient des
branches formant couvert au-dessus du chemin et la mouillaient
comme une vraie pluie.
Elle redescendit et, en cherchant, elle finit par trouver dans une
oseraie un petit sentier a peine trace, qui semblait conduire a
l'aumuche; elle le prit. Mais, s'il y conduisait bien, il ne
conduisait pas jusque dedans car elle etait construite sur un tout
petit ilot plante de trois saules qui lui servaient de charpente,
et un fosse plein d'eau la separait de l'oseraie, Heureusement un
tronc d'arbre etait jete sur ce fosse, bien qu'il fut assez
etroit, bien qu'il fut aussi mouille par la rosee qui le rendait
glissant, cela n'etait pas pour arreter Perrine. Elle le franchit
et se trouva devant une porte en roseaux lies avec de l'osier
qu'elle n'eut qu'a tirer pour qu'elle s'ouvrit.
L'aumuche etait de forme carree et toute tapissee jusqu'au toit
d'un epais revetement de roseaux et de grandes herbes: aux quatre
faces etaient percees des petites ouvertures invisibles du dehors,
mais qui donnaient des vues sur les entours et laissaient aussi
penetrer la lumiere; sur le sol etait etendue une epaisse couche
de fougeres; dans un coin un billot fait d'un troc d'arbre servait
de chaise.
Ah! le joli nid! qu'il ressemblait peu a la chambre qu'elle venait
de quitter. Comme elle eut ete mieux la pour dormir, en bon air,
tranquille, couchee dans la fougere, sans autres bruits que ceux
du feuillage et des eaux; plutot qu'entre les draps si durs de
Mme Francoise, au milieu des cris de la Noyelle, et de ses
camarades, dans cette atmosphere horrible dont l'odeur toujours
persistante la poursuivait en lui soulevant le coeur.
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