lors son parti fut pris. Tout doucement elle decrocha ses
vetements, les passa lentement, sans bruit, et prenant ses
souliers a la main, les pieds nus, elle se dirigea vers la porte,
dont l'aube lui indiquait la direction. Fermee simplement par une
clenche, cette porte s'ouvrit silencieusement et Perrine se trouva
sur le palier, sans que personne se fut apercu de sa sortie. Alors
elle s'assit sur la premiere marche de l'escalier et, s'etant
chaussee, descendit.
Ah! le bon air! la delicieuse fraicheur! jamais elle n'avait
respire avec pareille beatitude; et par la petite cour elle allait
la bouche ouverte, les narines palpitantes, battant des bras,
secouant la tete: le bruit de ses pas eveilla un chien du
voisinage qui se mit a aboyer, et aussitot d'autres chiens lui
repondirent furieux.
Mais que lui importait: elle n'etait plus la vagabonde contre
laquelle les chiens avaient toutes les libertes, et puisqu'il lui
plaisait de quitter son lit, elle en avait bien le droit sans
doute, -- un droit paye de son argent.
Comme la cour etait trop petite pour son besoin de mouvement, elle
sortit dans la rue par la barriere ouverte, et se mit a marcher au
hasard, droit devant elle, sans se demander ou elle allait.
L'ombre de la nuit emplissait encore le chemin, mais au-dessus de
sa tete elle voyait l'aube blanchir deja la cime des arbres et le
faite des maisons; dans quelques instants il ferait jour. A ce
moment une sonnerie eclata au milieu du profond silence: c'etait
l'horloge de l'usine qui, en frappant trois coups, lui disait
qu'elle avait encore trois heures avant l'entree aux ateliers.
Qu'allait-elle faire de ce temps? Ne voulant pas se fatiguer avant
de se mettre au travail, elle ne pouvait pas marcher jusqu'a ce
moment, et des lors le mieux etait qu'elle s'assit quelque part ou
elle pourrait attendre.
De minute on minute, le ciel s'etait eclairci et les choses autour
d'elle avaient pris, sous la lumiere rasante qui les frappait, des
formes assez distinctes pour qu'elle reconnut ou elle etait.
Precisement au bord d'une entaille qui commencait la, et
paraissait prolonger sa nappe d'eau, pour la reunir a d'autres
etangs et se continuer ainsi d'entailles en entailles les unes
grandes, les autres petites, au hasard de l'exploitation de la
tourbe, jusqu'a la grande riviere. N'etait-ce pas quelque chose
comme ce qu'elle avait vu en quittant Picquigny, mais plus retire,
semblait-il, plus desert, et aussi plus couvert
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