--Ce n'est pas Ladko!.. murmura de nouveau Striga. Ce serait donc Ilia
Brusch..
--Quel Ilia Brusch?
--Le pecheur.
--Bah!.. fit Titcha abasourdi. Mais alors, si le prisonnier n'etait ni
Ladko, ni Karl Dragoch, peu importe qu'il ait pris la clef des champs.
Striga, sans repondre, s'approcha a son tour de la fenetre. Apres
avoir examine les traces de sang, il se pencha au dehors et s'efforca
vainement de percer les tenebres.
--Depuis combien de temps est-il parti?., se demandait-il a demi-voix.
--Pas plus de deux heures, dit Titcha.
--S'il court depuis deux heures, il doit etre loin! s'ecria Striga, qui
maitrisait, avec peine sa colere.
Apres un instant de reflexion, il ajouta:
--Rien a faire pour le moment. La nuit est trop noire. Puisque l'oiseau
est envole, bon voyage. Quant a nous, nous nous mettrons en route un
peu avant l'aube, de maniere a etre le plus tot possible au dela de
Belgrade."
Il resta un instant songeur, puis, sans rien ajouter, il quitta la
cabine pour entrer dans celle qui lui faisait face. Titcha preta
l'oreille. D'abord, il n'entendit rien; mais bientot, a travers la porte
fermee, arriverent jusqu'a lui des eclats de voix dont le diapason
montait progressivement. Haussant les epaules avec dedain, Titcha
s'eloigna et regagna son lit.
C'est a tort que Striga avait juge inutile de se livrer a des recherches
immediates. Ces recherches n'eussent peut-etre pas ete vaines, car le
fugitif n'etait pas loin.
En entendant le bruit de la clef tournant dans la serrure, Serge Ladko,
d'un effort desespere, avait vaincu l'obstacle. Sous la violente
traction des muscles, l'epaule d'abord, la hanche ensuite s'etaient
effacees, et il avait glisse comme une fleche hors de la fenetre trop
etroite, pour tomber, la tete la premiere, dans l'eau du Danube,
qui s'etait ouverte et refermee sans bruit. Quand, apres une courte
immersion, il revint a la surface, le courant l'avait deja emporte a
quelque distance de l'endroit de sa chute. Un instant plus tard, il
depassait l'arriere du chaland, evite la proue vers l'amont. Devant lui
la route etait libre.
Il n'avait pas a hesiter. Le seul parti a prendre etait de se laisser
deriver quelque temps encore. Une fois hors d'atteinte, il nagerait
vigoureusement vers l'une des rives. Il y arriverait, il est vrai, dans
un etat de nudite qui pouvait etre une source de grandes difficultes
ulterieures, mais il n'avait pas le choix. Le plus presse etait de
s'eloi
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