ait fallu qu'un instant pour qu'entre elle
et le chaland s'elevat le mur inexpugnable de la nuit.
Quand il s'estima assez loin pour n'avoir plus rien a craindre, Serge
Ladko arma un aviron, et quelques coups de godille augmenterent
rapidement la distance. Alors seulement, il s'apercut qu'il grelottait
et s'occupa de se couvrir. Decidement, on n'avait pas touche au contenu
de ses coffres, ou il trouva sans peine le linge et les vetements
necessaires. Cela fait, il saisit de nouveau l'aviron et se remit a
godiller avec rage.
Ou etait-il? Il n'en avait aucune idee. Rien ne pouvait le renseigner
sur le parcours effectue par le chaland dans lequel il avait ete
incarcere. Sa prison flottante avait-elle monte ou descendu le fleuve,
il l'ignorait.
En tous cas, c'est dans le sens du courant qu'il devait maintenant se
diriger, puisque c'est dans cette direction qu'etaient Roustchouk et
Natcha. Si on l'avait ramene en arriere, ce serait du temps a regagner a
grands renforts de bras, voila tout. Pour le moment, il commencerait par
naviguer toute la nuit, de maniere a s'eloigner le plus possible de
ses ennemis inconnus. Il pouvait compter sur environ sept heures
d'obscurite. En sept heures, on fait du chemin. Le jour venu, il
s'arreterait, pour prendre du repos, dans la premiere ville rencontree.
Serge Ladko godillait vigoureusement depuis une vingtaine de minutes,
quand un cri affaibli par la distance s'eleva dans la nuit. Ce qu'il
exprimait, joie, colere ou terreur, trop vague etait ce cri lointain
pour que l'on put le dire. Et pourtant, si vague qu'elle fut, cette
voix, qui lui arrivait des confins de l'horizon, emplit d'un trouble
obscur le coeur du pilote. Ou avait-il entendu une voix semblable?.. Un
peu plus, il eut jure que c'etait celle de Natcha... Il avait cesse de
godiller, l'oreille tendue aux sourdes rumeurs de la nuit.
Le cri ne se renouvela pas. L'espace etait redevenu muet autour de la
barge que le courant entrainait en silence. Natcha!..
Il n'avait que ce nom-la en tete... Serge Ladko, d'un mouvement
d'epaules, rejeta cette obsession, cette idee fixe et se remit au
travail.
Le temps passa. Il pouvait etre minuit, quand, sur la rive droite,
se dessinerent confusement des maisons. Ce n'etait qu'un village,
Szlankament, que Ladko laissa en arriere sans l'avoir reconnu.
Quelques heures plus tard, au moment du lever de l'aube, un autre bourg,
Nove Banoveze, apparut a son tour. Il ne le reconnut pas davan
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