devint un veritable mastic, a
l'aide duquel le trou fut dissimule a mesure qu'il etait creuse. Quant
au surplus des debris produits par le grattage, il le cachait sous la
voute de son lit.
Apres douze heures d'efforts, le barreau etait dechausse sur une hauteur
de trois centimetres, mais la boucle n'avait plus de pointes. Serge
Ladko brisa l'armature, et, des morceaux, fit autant d'outils. Douze
heures plus tard, ces menus fragments d'acier avaient disparu a leur
tour.
Heureusement, la chance qui avait deja souri au prisonnier semblait ne
plus vouloir l'abandonner. Au premier repas qui lui fut servi, il se
risqua a garder un couteau de table, et, personne n'ayant remarque ce
larcin, il le recommenca avec le meme bonheur le jour suivant. Il se
trouvait ainsi maitre de deux instruments plus serieux que ceux dont il
avait dispose jusqu'ici. A vrai dire, il ne s'agissait que de mechants
couteaux tres grossierement fabriques. Toutefois, leurs lames etaient
assez bonnes, et les manches en facilitaient le maniement.
Le travail, a partir de ce moment, avanca plus vite, bien que trop
lentement encore. Le ciment, avec le temps, avait acquis la durete du
granit et ne se laissait que difficilement effriter. A chaque instant,
d'ailleurs, le travail devait etre interrompu, soit a cause d'une
ronde de gardiens, soit par suite d'une convocation de M. Rona, qui
multipliait les interrogatoires.
Le resultat de ces interrogatoires etait toujours le meme. L'instruction
pietinait sur place. A chaque seance, c'etait un defile de temoins dont
les declarations n'apportaient aucune lumiere. Si les uns semblaient
trouver quelque vague ressemblance entre Serge Ladko et le malfaiteur
qu'ils avaient plus ou moins nettement apercu le jour ou ils en avaient
ete victimes, d'autres niaient categoriquement cette ressemblance. M.
Rona avait beau affubler son prevenu de barbes postiches taillees selon
toutes les coupes imaginables, l'obliger a montrer ses yeux ou a les
dissimuler derriere les verres noirs des lunettes, il ne reussissait pas
a obtenir un seul temoignage formel. Aussi attendait-il avec impatience
que l'etat de Christian Hoel, blesse lors du dernier attentat de la
bande du Danube, permit a celui-ci de se rendre a Semlin.
De ces interrogatoires, Serge Ladko se desinteressait d'ailleurs.
Docilement, il se pretait a toutes les experiences du juge, s'affublait
de perruques et de fausses barbes, mettait ou retirait ses lunettes,
sans se
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