. On repondit aussitot par un signal pareil a bord du vapeur, qui,
venant sur tribord, commenca a se rapprocher de l'estuaire.
A ce moment, Serge Ladko ayant pousse la barre toute a babord, le
chaland abattit sur tribord, et, coupant obliquement le courant, prit
son erre vers le Sud-Est, comme pour aborder la rive droite.
Striga etonne, regarda le pilote dont l'impassibilite le rassura. Un
dernier banc de sable obligeait sans doute les bateaux a suivre cette
route capricieuse.
Striga ne se trompait pas. Oui, un banc de sable gisait en effet dans
le lit du fleuve, mais non pas du cote de la mer, et c'est droit sur ce
banc que Serge Ladko gouvernait d'une main ferme.
Soudain, il y eut un formidable craquement. Le chaland en fut ebranle
jusque dans ses fonds. Sous le choc, le mat vint en bas, casse net au
ras de l'emplanture, et la voile s'abattit en grand, recouvrant de
ses larges plis les hommes qui se trouvaient a l'avant. Le chaland,
irremediablement engrave, demeura immobile.
A bord, tout le monde avait ete renverse, y compris Striga, qui se
releva ivre de rage.
Son premier regard fut pour Serge Ladko. Le pilote ne paraissait pas emu
de l'accident. Il avait lache la barre, et, les mains enfoncees dans les
poches de sa vareuse, il surveillait son ennemi, le regard attentif a ce
qui allait suivre.
" Canaille! " hurla Striga, qui, brandissant un revolver, courut vers
l'arriere.
A la distance de trois pas, il tira.
Serge Ladko s'etait baisse. La balle passa au-dessus de lui sans
l'atteindre. Aussitot redresse, il fut d'un bond sur son adversaire, que
son couteau frappa au coeur. Ivan Striga s'ecroula comme une masse.
Le drame s'etait deroule si rapidement, que les cinq hommes de
l'equipage, embarrasses, d'ailleurs, dans les plis de la voile,
n'avaient pas eu le temps d'intervenir. Mais quel hurlement ils
pousserent en voyant tomber leur chef!
Serge Ladko, s'elancant a l'avant du spardeck, se precipita a leur
rencontre. De la, il dominait le pont, sur lequel les hommes accouraient
en tumulte.
"Arriere! cria-t-il, les deux mains armees de revolvers, dont l'un
venait d'etre arrache a Striga.
Les hommes s'arreterent. Ils n'avaient point d'armes, et, pour s'en
procurer, il leur fallait penetrer dans le rouf, c'est-a-dire passer
sous le feu de l'ennemi.
--Un mot, camarades, reprit Serge Ladko sans quitter son attitude
menacante. J'ai la onze coups. C'est plus qu'il n'en faut pour vous
descendre
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