gner de la prison flottante ou il venait de passer de si penibles
jours. Quand il aurait pris terre, il aviserait.
Tout a coup, dans la nuit, la masse sombre d'une seconde embarcation se
dressa devant lui. Quelle ne fut pas son emotion, en reconnaissant sa
barge retenue par une bosse amarree au chaland et que tendait la poussee
du courant. Il se cramponna instinctivement au gouvernail, et, un
instant, demeura immobile.
Dans la paix nocturne, un bruit de voix parvenait jusqu'a lui. Sans
doute, on discutait les circonstances de sa fuite. Il attendit, la tete
seule hors de l'eau noire qui le couvrait de son impenetrable voile.
Les voix grandirent, puis se turent, et tout retomba dans le silence.
Serge Ladko, s'accrochant au plat bord, se hissa lentement dans la barge
et disparut sous le tot. La, l'oreille tendue, il ecouta de nouveau.. Il
n'entendit rien. Plus aucun bruit autour de lui.
Sous le tot, l'obscurite de la nuit se faisait plus epaisse encore. Dans
l'impossibilite de rien distinguer, Serge Ladko tatonna comme un aveugle
pour reconnaitre les objets familiers. Il ne semblait pas que l'on eut
rien touche. La etaient ses instruments de peche; a ce clou pendait
encore le bonnet de loutre qu'il y avait lui-meme accroche. A droite,
c'etait sa couchette; a gauche, celle ou M. Jaeger avait si longtemps
dormi... Mais pourquoi etaient-ils ouverts, les coffres menages
au-dessous de ces couchettes? On les avait donc forces?.. Invisibles
dans l'ombre, ses mains hesitantes firent l'inventaire de ses modestes
richesses... Non, on ne lui avait rien pris. Linge et vetements
paraissaient en on ordre, comme il les avait laisses... Jusqu'a son
couteau qu'il retrouva a la place meme ou il l'avait range. Ce couteau,
Serge Ladko l'ouvrit, puis, rampant sur le ventre dans le fond de la
barge, il s'avanca vers l'etrave.
Quel voyage! L'oreille aux aguets, les yeux vainement ouverts dans les
tenebres, s'arretant, la respiration coupee, au moindre clapotis de
l'eau, il lui fallut dix minutes pour arriver au but. Enfin, sa main put
saisir la bosse, qu'il trancha d'un seul coup.
La corde coupee fouetta l'eau a grand bruit. Ladko, le coeur battant,
retomba dans la barge. Impossible qu'on n'ait pas entendu la chute de
cette corde, dans un silence si profond...
Non... rien ne bougeait... Le pilote, peu a peu redresse, comprit qu'il
etait deja foin de ses ennemis. A peine libre, en effet, la barge avait
commence a deriver, et il n'av
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