ait unie et brillante comme un miroir, sans
que la moindre brise vint agiter sa surface. Le soleil flamboyait comme
un globe de feu dans un ciel bleu fonce et brulait si impitoyablement
tout ce que frappaient ses rayons, qu'il fallait arroser sans cesse le
pont du _Jonas_ avec de l'eau de mer pour empecher le bois de se fendre
et le goudron de fondre; et pour permettre aux passagers de poser le
pied sur les planchers incandescents. Le ciel etait de plomb; toutes les
voiles pendaient flasques le long des mats; et le vaisseau restait
immobile, comme un corps mort au milieu de l'immense Ocean, qui semblait
a chacun pareil a un desert dont on n'atteindrait jamais les limites.
Les passagers allaient et venaient, desesperes, suffoques, sans haleine
ni courage, succombant sous cette chaleur effroyable, et cherchant
vainement sur le pont et dans la cale un lieu pour se rafraichir et se
reposer; mais partout l'atmosphere etait egalement brulante et l'air
etouffant. Ce qui rendait leur sort encore plus penible, c'etait le
manque d'eau. Un grand nombre d'entre eux, tourmentes par une soif
irresistible, epuisaient leur ration avant que le soleil tombat
directement sur leurs tetes, et passaient alors le reste de la journee a
lutter douloureusement contre la soif.
Ils souffrirent ainsi des le premier jour de calme; qu'eut-ce ete s'ils
avaient du rester stationnaires pendant plusieurs semaines au milieu de
cette fournaise et de cette atmosphere enervante!
Le deuxieme jour, aucun vent n'avait agite les voiles et la chaleur
paraissait doublee. Craignant que ce calme prolonge n'epuisat la
provision d'eau necessaire pour atteindre les cotes d'Amerique, le
capitaine declara que le salut de tous l'obligeait a prescrire une
mesure cruelle. Desormais, chacun des passagers ne recevrait plus qu'un
demi-litre d'eau par jour. Une terreur generale et des plaintes ameres
accueillirent cet ordre effroyable; mais le capitaine s'efforca de leur
faire comprendre que le calme pouvait encore durer un mois, et qu'il
devait epargner l'eau, afin de ne pas mettre tout l'equipage en danger
de mort. Pour les convaincre, il leur raconta, comme exemple, qu'on
avait trouve, a la meme place ou mouillait maintenant _le Jonas_, un
navire portugais qu'on croyait abandonne. Lorsqu'on monta a son bord, on
y trouva pres de cent cadavres. On apprit par la relation du journal,
que les passagers s'etaient empares de la provision d'eau et l'avaient
employee avec une av
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