ils devaient occuper et que Vassili,
l'intendant, avait fait arranger du mieux possible. Il y en avait trois,
avec des canapes en guise de lits, des coffres pour serrer les effets,
une table par chambre, des chaises et des bancs.
"Elles sont jolies nos chambres, dit Jacques; seulement je ne vois pas
de lits. Ou coucherons-nous?"
Derigny: "Que veux-tu, mon enfant! s'il n'y a pas de lits, nous nous
arrangerons des canapes; il faut savoir s'arranger de ce qu'on trouve."
Derigny et sa femme se mirent immediatement a l'ouvrage, et quelques
minutes apres ils avaient donne aux canapes une apparence de lits. Paul
s'etait endormi sur une chaise; Jacques baillait, tout en aidant
son pere et sa mere a defaire les malles et a en tirer ce qui etait
necessaire pour la nuit.
Ils se coucherent des que cette besogne fut terminee, et ils dormirent
jusqu'au lendemain. Derigny, avant de se coucher, chercha a arriver
jusqu'au general, qu'il eut de la peine a trouver dans la foule de
chambres et de corridors qu'il traversait.
Il finit pourtant par arriver a l'appartement du general, qui se
promenait dans sa grande chambre a coucher, d'assez mauvaise humeur.
Quand Derigny entra, il s'arreta, et, croisant les bras:
"Je suis contrarie, furieux, d'etre venu ici; tous ces gens n'entendent
rien a mon service; ils se precipitent comme des fous et des imbeciles
pour executer mes ordres qu'ils n'ont pas compris. Je ne trouve rien de
ce qu'il me faut. Votre auberge de l'Ange-gardien etait cent fois mieux
montee que mon Gromiline. J'ai pourtant six cent mille roubles de
revenu! A quoi me servent-ils?"
Derigny: "Mais, mon general, quand on arrive apres une longue absence,
c'est toujours ainsi. Nous arrangerons tout cela, mon general; dans
quelques jours vous serez installe comme un prince."
Le General: "Alors ce sera vous et votre femme qui m'installerez, car
mes gens d'ici ne comprennent pas ce que je leur demande."
Derigny: "C'est la joie de vous revoir qui les trouble, mon general. Il
n'y a peut-etre pas longtemps qu'ils savent votre arrivee?"
Le General: "Je crois bien! je n'avais pas ecrit; c'est Stepane qui m'a
annonce."
Derigny: "Mais... alors, mon general, les pauvres gens ne sont pas
coupables: ils n'ont pas eu le temps de preparer quoi que ce soit."
Le General: "Pas seulement mon souper, que j'attends encore. En verite,
cela est trop fort!"
Derigny: "C'est pour qu'il soit meilleur, mon general, c'est pour que
les v
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