iandes soient bien cuites, qu'on vous les fait attendre."
Le General, souriant: "Vous avez reponse a tout, vous... Et je vous en
remercie, mon ami, ajouta-t-il apres une pause, parce que vous avez fait
passer ma colere. Et comment etes-vous installes, vous et les votres?"
Derigny: "Tres bien, mon general: nous avons tout ce qu'il nous faut."
"Votre Excellence est servie", dit Vassili, en ouvrant les deux battants
de la porte.
Le general passa dans la salle a manger, suivi de Derigny, qui le servit
a table; cinq ou six domestiques etaient la pour aider au service.
"Ha! ha! ha! dit le general, voyez donc, Derigny, les visages etonnes de
ces gens, parce que vous me servez a boire."
Derigny: "Pourquoi donc, mon general? C'est tout simple que je vous
epargne la peine de vous servir vous-meme."
Le General: "Ils considerent ce service comme une familiarite choquante,
et ils admirent ma bonte de vous laisser faire."
Le souper dura longtemps, parce que le general avait faim et qu'on
servit Une douzaine de plats; le general refaisait connaissance avec la
cuisine russe, et paraissait satisfait."
Pendant que le general retenait Derigny, Mme Derigny, apres avoir couche
les enfants, examina le mobilier, et vit avec consternation qu'il lui
manquait des choses de la plus absolue necessite. Pas une cuvette, pas
une terrine, pas une cruche, pas un verre, aucun ustensile de menage,
sauf un vieux seau oublie dans un coin.
Apres avoir cherche, furete partout, le decouragement la saisit; elle
s'assit sur une chaise, pensa a son auberge de l'Ange-gardien, si
bien tenue, si bien pourvue de tout; a sa soeur Elfy, a son beau-frere
Moutier, au bon cure, aux privations qu'auraient a supporter les
enfants, a son pays enfin, et elle pleura.
Quand Derigny rentra apres le coucher du general, il la trouva pleurant
encore; elle lui dit la cause de son chagrin; Derigny la consola,
l'encouragea, lui promit que des le lendemain elle aurait les objets les
plus necessaires; que sous peu de jours elle n'aurait rien a envier
a l'Ange-gardien; enfin il lui temoigna tant d'affection, de
reconnaissance pour son devouement a Jacques et a Paul, il montra tant
de gaiete, de confiance dans l'avenir, qu'elle rit avec lui de son acces
de desespoir et qu'elle se coucha gaiement.
Elle prit la chambre entre celle des enfants et celle de Derigny, pour
etre plus a leur portee; la porte resta ouverte.
Tous etaient fatigues, et tous dormirent tard d
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