actes,
ou tout au moins le mot melancolie n'etait-il pas celui qui s'appliquait
a son etat; c'etait plutot gravite qui eut ete juste.
En effet, cette jeune fille, cette enfant qu'on etait habitue a voir
legere, rieuse, sautillante, disposee a se moquer des choses comme des
gens et a les prendre les uns comme les autres par le cote plaisant
ou amusant, se montrait maintenant avec les allures et la tenue d'une
personne serieuse qui reflechit et qui raisonne.
Sans doute elle n'avait pas entierement perdu son enjouement, et du
matin au soir elle n'etait pas plongee dans le recueillement et la
meditation, mais enfin le changement qui s'etait fait en elle etait
assez sensible pour frapper les indifferents, et a plus forte raison son
grand-pere.
--Pourquoi donc Berengere ne joue-t-elle plus avait demande M. de la
Roche-Odon qui, avec ses yeux de grand-pere, ouverts par la tendresse,
avait ete le premier a remarquer ce qui se passait dans sa petite-fille.
A cette question qui lui etait adressee, miss Armagh avait repondu qu'il
ne fallait ni s'etonner, ni s'inquieter de ce changement qui etait chose
naturelle.
--Il y a longtemps deja que j'attendais cette metamorphose, dit-elle,
l'enfant devient jeune fille, le papillon depouille sa chrysalide et
deplisse ses ailes d'or sous les chauds rayons d'un soleil printanier.
Malheureusement M. de la Roche-Odon n'etait pas homme a se contenter de
cette reponse poetique.
--C'est que precisement, dit-il, je ne trouve pas qu'elle deplisse ses
ailes d'or pour prendre son vol; tout au contraire il me semble qu'elle
incline son front pensif vers la terre, et que ses reflexions n'ont rien
d'aerien.
Miss Armagh avait souri comme une personne sure de ce qu'elle avance.
Mais la comte avait insiste:
--Je vous assure qu'il y a quelque chose d'etrange dans Berengere, et
qui n'est pas si naturel que vous croyez.
--Etrange, oui, je vous l'accorde, insolite; mais je vous affirme que
rien n'est plus naturel.
--Enfin je vous demande de la suivre de pres et de l'etudier. Vous savez
que j'ai toujours eu l'habitude, quand dans le milieu de la journee je
me retire chez moi, de ne pas la quitter des yeux toutes les fois que le
temps lui permet de se promener dans le jardin et dans le parc. Assis
derriere mon rideau, c'etait ma joie de la suivre du regard alors que,
petite enfant encore, elle jouait dans les allees du jardin ou qu'elle
courait sur les pelouses apres les papillons, ou q
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