meil.
XVII
Si madame Pretavoine avait pu apprendre l'entiere verite sur ce qui
se passait a la Rouvraye, d'une part entre Berengere et le capitaine
Richard de Gardilane, et d'autre part entre ce dernier et le comte de la
Roche-Odon, elle se fut assurement decidee a retourner aussitot a Conde,
malgre les interets qui la retenaient a Rome.
Mais en depit des precautions qu'elle avait eu soin de prendre avant
son depart, elle n'etait et ne pouvait etre que tres-imparfaitement
renseignee.
Par l'abbe Armand elle savait a peu pres ce qu'on avait dit le jeudi a
la table du comte de la Roche-Odon.
Par l'abbe Colombe, elle etait tenue au courant de ce qui, dans la
semaine, s'etait passe a Bourlandais et specialement a la Rouvraye.
Enfin, par deux de ses amies elle recevait l'echo des bavardages des
domestiques de la Rouvraye et en meme temps celui des propos de Joseph,
l'ordonnance du capitaine.
Malheureusement tout cela etait assez vague sur beaucoup de points, et
elle n'arrivait a se faire une idee approximative de la situation qu'en
comparant toutes ces lettres entre elles, et en completant elle-meme par
l'imagination les nombreuses lacunes de ses correspondants.
Pour etre exactement renseignee, il aurait fallu qu'elle expliquat
franchement l'interet capital qu'elle attachait a savoir jour par jour,
heure par heure, ce que faisaient, ce que disaient Berengere et le
capitaine, et cela n'etait possible qu'en livrant le secret de son plan,
c'est-a-dire que cela etait impraticable.
Avec l'abbe Colombe elle avait pu proceder par la franchise, parce que
le cure de Bourlandais etait un instrument docile qu'elle etait certaine
de bien tenir dans sa main, et dont elle pouvait d'ailleurs jouer a son
gre.
Mais avec l'abbe Armand, bavard comme un perroquet, causeur pour le
plaisir de causer, incapable de garder un secret; avec ses amies
envieuses et jalouses, avouer qu'elle esperait donner son fils pour mari
a Berengere de la Roche-Odon, c'eut ete tout simplement se faire fermer
au nez les portes de la Rouvraye.
Et ce n'etait pas pour un pareil resultat qu'elle avait entrepris le
voyage (pour Conde, le pelerinage) de Rome.
Des les premiers temps de son arrivee, elle avait recu une lettre qui,
si elle ne l'avait pas serieusement inquietee, l'avait en tous cas
fortement irritee.
Cette lettre etait de l'abbe Armand.
Apres avoir longuement raconte tout ce qui s'etait fait et dit a Conde
depuis qu'elle etai
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