assage, elles
glissaient une aumone; la religieuse regardait autour d'elle, sensible
et attentive aux choses de ce monde, miseres ou joies; la vieille dame,
au contraire, marchait droite, raide, les yeux perdus dans le ciel, ou
habitait assurement sa pensee interieure.
Devant ces deux femmes s'ouvraient les portes des basiliques, des
eglises, des sanctuaires, meme celles qui etaient fermees ordinairement.
Et les gens obscurs qui frequentent ces pauvres eglises dans lesquelles
l'etranger n'a jamais penetre; car elles ne sont meme pas nommees dans
les guides et sur les cartes, parlaient avec surprise et aussi avec une
grande edification d'une dame vetue de noir qui venait s'agenouiller
sur la premiere marche de l'autel et qui la, les bras en croix sur
la poitrine, la tete haute, s'entretenait avec Dieu, tandis qu'une
religieuse, dont elle etait accompagnee, etait agenouillee a quelques
pas derriere elle. Puis apres cette priere, la dame en noire quittait
l'autel et, venant prendre place a cote de sa religieuse, en se melant
au commun des fideles, elle faisait une longue meditation. C'etaient des
gens peu importants qui parlaient ainsi, mais d'une piete profonde, et
dont les voix seraient un jour entendues.
Ce n'etait pas seulement les portes des basiliques et des eglises
qu'elles franchissaient, c'etait encore celles des couvents et des
chapelles qui s'ouvraient devant elles.
On sait que depuis que les Italiens sont entres a Rome, en 1870, ils ont
applique la loi de 1866 qui dit que les ordres religieux ne sont
plus reconnus et que leurs maisons et etablissements sont supprimes.
Cependant dans certaines eglises, dans certaines chapelles, on a laisse
un moine ou une religieuse pour les entretenir. D'autre part, de riches
particuliers ont offert leurs villas aux ordres religieux et leur ont
permis d'ouvrir chez eux, a l'abri du domicile prive, de veritables
maisons conventuelles avec des chapelles.
C'etaient dans ces eglises, dans ces chapelles anciennes ou nouvelles,
que madame Pretavoine venait prier.
Puis, par l'entremise de sa religieuse, elle s'entretenait avec le pere,
la mere, ou la soeur qui les avaient recues, des malheurs et de la
persecution de l'Eglise.
Et pour reparer autant qu'il etait en elle ces malheurs, en meme temps
pour protester contre cette persecution et confesser sa foi, elle
deposait mysterieusement une offrande sans vouloir faire connaitre son
nom.
On la priait, on la suppliait.
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