ein.
--Cela est bien vrai, repondit celle-ci.
XV
C'est au coin de la via della Pigna, et d'une rue conduisant a la place
Barberini que se trouve la maison dans laquelle les demoiselles
Bonnefoy veulent bien recevoir moyennant une honnete remuneration, les
representants de la noblesse francaise et du haut clerge qui viennent
passer quelque temps a Rome; si vous n'etes pas de grande noblesse,
archeveque, ou tout au moins eveque, vous n'etes recu dans cette maison
qu'avec des lettres de recommandation, ou une presentation officielle
affirmant votre piete, votre devouement a l'Eglise, et votre fidelite au
saint-siege.
Bien entendu il n'y a point d'enseigne pour signaler cette pension
nobiliaire et episcopale a l'attention des passants; au contraire, elle
ne s'annonce au dehors que par la discretion, le mystere et la proprete:
si elle etait plus vaste, on pourrait la prendre pour un couvent de
religieuses cloitrees.
Cependant, comme il fallait bien une enseigne pour signaler leur maison
aux clients distraits ou maladroits qui ne savent pas se reconnaitre
dans une ville etrangere, les demoiselles Bonnefoy en ont trouve une qui
a fonde leur reputation et fait en meme temps leur fortune.
Elle consiste en deux puissantes lampes carcel qui flanquent une madone
exposee dans l'embrasure d'une fenetre du premier etage, et qui, toute
la nuit, du soir au matin, brulent la comme deux phares et eclairent
tout le quartier.
Peu de personnes circulent dans la via della Pigna, mais beaucoup au
contraire traversent la place Barberini, et la nuit il est impossible
de passer par cette place sans apercevoir les deux globes lumineux qui
illuminent la facade de la maison des soeurs Bonnefoy et font palir les
becs de gaz.
--Quelles sont donc ces lumieres? demandent les etrangers.
--Les lampes des demoiselles Bonnefoy.
--Et qu'est-ce que c'est que les demoiselles Bonnefoy?
Alors les explications arrivent tout naturellement, et se gravent dans
la memoire.
On emporte de Rome le souvenir de deux lampes carcel, et rentre dans sa
province, on en parle a ceux de ses amis qui doivent faire le voyage
d'Italie.
--Surtout, logez-vous chez les demoiselles Bonnefoy; seulement
faites-vous avant recommander; tout le monde n'y est pas admis.
Les gens qui peuvent dire qu'ils ont habite chez les deux soeurs, en
recoivent une sorte de lustre. Mais cet avantage, si precieux pour
certaines personnes, n'est pas le seul qu'offrent le
|