ote, imagine avec une
sorte d'intrepidite. Au fond, il se pourrait bien qu'il n'y eut pas
deux ecoles contraires en litterature, comme on se plait a le repeter,
celle de l'imagination ou l'idealisme, celle de l'observation ou le
realisme. Je n'attache, pour ma part, qu'une mediocre importance a ces
distinctions tranchantes de programmes et a ces pretentions absolues en
sens divers. Peut-etre meme, en realite, n'y a-t-il pas d'ecoles
litteraires proprement dites; il n'y aurait que des temperaments
differents, organises plus specialement pour l'observation ou
l'imagination: les uns plus sensibles a l'exactitude du detail, les
autres donnant libre carriere a leur puissance d'invention. Une ecole se
cree artificiellement lorsqu'un ecrivain d'un temperament donne, ayant
experimente son initiative ou son succes dans un certain sens,
s'institue, un beau jour, le maitre d'un genre. Il se fait accepter, a
ce titre, par une foule d'esprits secondaires qui prennent le mot
d'ordre et se mettent a la suite, exagerant la _maniere_ de l'initiateur
et dociles au succes, qui revele souvent un gout changeant de l'opinion.
C'est ainsi qu'on arrive a faire un systeme tout simplement avec les
qualites et surtout avec les defauts d'un homme.
Toutes ces querelles d'ecoles nous paraissent vaines. Il n'y avait pas
eu, a l'origine, de dissentiment absolu entre Mme Sand et Balzac,
qu'elle rencontra plusieurs fois dans les annees de son noviciat
litteraire a Paris. Elle declare elle-meme, avec un eclectisme tres
degage et une spirituelle tolerance, que toute maniere est bonne et tout
sujet fecond pour qui sait s'en servir. "Il est heureux, disait-elle,
qu'il en soit ainsi. S'il n'y avait qu'une doctrine dans l'art, l'art
perirait vite, faute de hardiesse et de tentatives nouvelles." Balzac
etait une preuve vivante a l'appui de sa theorie. "Elle poursuivait
l'idealisation du sentiment qui faisait le sujet de son roman, tandis
que Balzac sacrifiait cet ideal a la verite de sa peinture." Mais il se
gardait bien de faire de ce sacrifice un programme d'ecole; c'etait une
simple tendance de son esprit qu'il exprimait ainsi. Plus liberal que ne
le furent plus tard ses disciples, il admettait au meme titre la
tendance contraire et felicitait Mme Sand d'y rester fidele. Ainsi, ces
deux grands artistes se maintenaient justes et tolerants l'un pour
l'autre. Balzac, d'ailleurs, lui aussi, ne s'asservissait pas a un
dogme. Il essayait de tout; il cherchait et
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