mblee dans les siennes, ou du moins ne s'y preter qu'avec peine.
Hospitaliere, mais gravement et silencieusement, si l'on s'en etait tenu
a cette premiere impression, on aurait pu la juger assez severement; il
ne fallait pas s'y tenir, et, selon son expression, elle et son pays
avaient du bon quand on les connaissait. On croira peut-etre que cette
froideur de premier aspect etait un fait accidentel, personnel au
visiteur inattendu de 1861. Il serait naturel de le croire; ce ne serait
pourtant pas exact. On nous a raconte une bien jolie histoire sur
l'impression que ressentit, a son arrivee, l'un de ses visiteurs les
plus attendus, les plus souhaites, Theophile Gautier; il avait fait pour
elle le grand sacrifice de quitter son boulevard, et il arrivait avec la
conviction des Parisiens qui s'imaginent etre des heros pour aller voir
un ami dans sa province; il debarquait a Nohant avec l'idee de son
heroisme et dans l'attente de le voir recompense par la joie de George
Sand, mesurant d'avance l'effusion de l'accueil a la vivacite, presque a
la violence de l'invitation. Cependant George Sand restait calme, plus
que calme, silencieuse, avec cet air indolent et lasse qui m'avait
frappe en elle. Elle le quitte un instant pour donner des ordres. Lui,
etonne, de plus en plus mecontent, se plaint a son compagnon de voyage,
un habitue de la maison, d'un pareil accueil; son mecontentement, comme
il arrive, s'exalte en s'exprimant; il veut partir, il rassemble sa
canne, son chapeau, sa valise. Le temoin de cette grande colere va en
toute hate prevenir George Sand pour qu'elle en conjure l'effet. Elle ne
comprend rien d'abord a ce qu'on lui raconte. Quand elle a compris, elle
fremit d'un pareil accident; une telle deception la bouleverse, elle se
desespere. "Vous ne lui aviez donc pas dit, s'ecrie-t-elle ingenument,
_que j'etais une bete_?" On l'entraine vers Theophile Gautier; les
explications commencent; elles ne furent pas longues; il comprit
bientot, a l'accent de la desolation, combien il se trompait, et sa
rentree fut triomphale.
La conversation de George Sand etait a l'avenant. Elle n'avait jamais
ete bavarde, elle l'etait moins encore en vieillissant, hormis les jeux
de famille et les contes aux enfants. De l'esprit, elle n'en avait pas,
ni au sens parisien du mot, ni au sens gaulois. Elle l'admirait plus
que de raison chez les autres, tout en le comprenant avec une certaine
peine; il lui fallait un effort d'attention pour e
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