ite, moins occupe de la betise des autres.
Pour moi, c'est du temps perdu, comme de se recrier sur l'ennui de la
pluie et des mouches. Le public, a qui l'on dit tant qu'il est bete, se
fache et n'en devient que plus bete. Apres ca, peut-etre que cette
indignation chronique est un besoin de ton organisation; moi, elle me
tuerait." Elle combat sans cesse son heresie favorite, qui est que l'on
ecrit pour vingt personnes intelligentes et qu'on se moque du reste. "Ce
n'est pas vrai, puisque l'absence de succes t'irrite et t'affecte."
Pas de mepris pour le public! Il faut ecrire pour tous ceux qui ont soif
de lire et qui peuvent profiter d'une bonne lecture. Pas d'isolement
orgueilleux en dehors de l'humanite! Elle ne peut pas admettre que, sous
pretexte d'etre artiste, on cesse d'etre soi-meme, et que l'homme de
lettres detruise l'homme. Quelle singuliere manie, des qu'on ecrit, de
vouloir etre un autre homme que l'etre reel, d'etre celui qui doit
disparaitre, celui qui s'annihile, celui qui n'est pas! Quelle fausse
regle de bon gout! Pour elle, elle se met tant qu'elle peut dans _la
peau de ses bonshommes_. Tout ecrivain doit faire ainsi, s'il veut
interesser. Il ne s'agit pas de mettre sa personne en scene. Cela, en
effet, ne vaut rien. "Mais retirer son ame de ce que l'on fait, quelle
est cette fantaisie maladive? Cacher sa propre opinion sur les
personnages que l'on met en scene, laisser par consequent le lecteur
incertain sur l'opinion qu'il en doit avoir, c'est vouloir n'etre pas
compris, et, des lors, le lecteur vous quitte; car, s'il veut entendre
l'histoire que vous lui racontez, c'est a la condition que vous lui
montriez clairement que celui-ci est un fort, celui-la un faible." C'a
ete le tort impardonnable de l'_Education sentimentale_ et l'unique
cause de son echec. "Cette volonte de peindre les choses comme elles
sont, les aventures de la vie comme elles se presentent a la vue, n'est
pas bien raisonnee, selon moi. Peignez en realiste ou en poete les
choses inertes, cela m'est egal; mais quand on aborde les mouvements du
coeur humain, c'est autre chose. Vous ne pouvez pas vous abstraire de
cette contemplation; car l'homme, c'est vous, et les hommes, c'est le
lecteur."
Flaubert repondait qu'il preferait une phrase bien faite a toute la
metaphysique, et il se renfermait, avec une sorte de mystere jaloux,
dans le culte de la forme. Tout recemment le _Journal des Goncourt_ nous
donnait un croquis intime d'une de c
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