s larmes de sang sur nos
illusions et nos erreurs.... Nos principes peuvent et doivent rester les
memes; mais l'application s'eloigne, et il peut se faire que nous soyons
condamnes a vouloir ce que nous ne voudrions pas."
Quoi qu'elle en dise, les principes eux-memes s'etaient, non pas
ebranles dans le fond, mais modifies dans l'application. A un jeune
enthousiaste qui lui envoyait des poesies politiques: "Merci,
repondait-elle; mais ne me dediez pas ces vers-la.... Je hais le sang
repandu, et je ne veux plus de cette these: "Faisons le mal pour amener
le bien; tuons pour creer". Non, non, ma vieillesse proteste contre la
tolerance ou ma jeunesse a flotte. Il faut nous debarrasser des theories
de 1793; elles nous ont perdus. Terreur et Saint-Barthelemy, c'est la
meme voie.... Maudissez tous ceux qui creusent des _charniers_. La vie
n'en sort pas. C'est une erreur historique dont il faut nous degager. Le
mal engendre le mal...." (21 octobre 1871.) Et dans le style familier
qu'elle aime jusqu'a l'abus, avec ce tutoiement qui est chez elle un
reste de la vie d'artiste, elle disait a Flaubert: "J'ai ecrit jour par
jour mes impressions et mes reflexions durant la crise. La _Revue des
Deux Mondes_ publie ce journal. Si tu le lis, tu verras que partout la
vie a ete dechiree a fond, meme dans les pays ou la guerre n'a pas
penetre! Tu verras aussi que je n'ai pas gobe, quoique tres gobeuse, la
blague des partis." Le style n'est pas noble, mais combien expressif!
Elle raille son enthousiasme d'autrefois sans critique et sans defiance,
cet optimisme, impatient des delais, qui voulait realiser le progres,
immediatement et a tout prix, fut-ce par la force. Elle avait cependant
beaucoup fait pour ameliorer sa nature, et voila que les evenements de
Paris remettent tout en question a ses yeux: "J'avais gagne beaucoup sur
mon propre caractere, j'avais eteint les ebullitions inutiles et
dangereuses, j'avais seme sur mes volcans de l'herbe et des fleurs qui
venaient bien, et je me figurais que tout le monde pouvait s'eclairer,
se corriger ou se contenir..., et voila que je m'eveille d'un reve....
C'est pourtant mal de desesperer.... Ca passera, j'espere. Mais _je suis
malade du mal de ma nation et de ma race._"--"Defendons-nous de mourir!"
s'ecrie-t-elle sans cesse, et elle ajoute: "Je parle comme si je devais
vivre longtemps, et j'oublie que je suis tres vieille. Qu'importe? je
vivrai dans ceux qui vivront apres moi." (1871.)
En tou
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