r encore une fois sur les aberrations de gout et de bon sens
qui l'avaient designee autrefois aux inquietudes de la conscience
publique, ou meme a des haines et a des vengeances terribles venues de
deux cotes bien differents de l'opinion, du cote de Proudhon et du cote
de Louis Veuillot, mieux vaudrait montrer George Sand dans la derniere
periode de sa vie, la representer non pas comme une convertie a la
moderation, ni comme le transfuge de ses idees, mais s'appliquant, avec
une bonne foi meritoire, a les modifier dans une mesure plus acceptable
pour elle-meme et a reconquerir, au moins sur certains points, la
liberte de son _moi_ et son independance d'esprit.
Certes il reste bien toujours en elle, soit en politique, soit en
philosophie, une part suffisante d'exageration et de paradoxes. Mais
comme il y a loin deja--par l'intervalle du temps et des idees--de la
revoltee d'autrefois! Depuis l'experience de la guerre et de la Commune,
ce n'est qu'a des traits assez rares, clairsemes dans la correspondance,
que l'on reconnaitrait l'ancienne amie de Mazzini et d'Armand Barbes,
l'utopiste des reformes sur la condition des femmes et le mariage, la
disciple enthousiaste et fougueuse de l'Evangile de Pierre Leroux, la
sectaire du Christianisme reforme par le pantheisme sombre de Lamennais,
plus tard l'ardente revolutionnaire de 1848, la collaboratrice de
Ledru-Rollin, le menacant redacteur des _Bulletins de la Republique_
emanes du ministere de l'Interieur. Tant d'evenements n'ont pas ete
perdus pour elle, ni en politique, ni en philosophie sociale. Nous n'en
voulons ici donner que quelques preuves. Je ne les veux meme pas tirer
de ce fameux _Journal d'un Voyageur pendant la guerre_, que la _Revue
des Deux Mondes_ publia avec tant de succes, au grand scandale de
quelques lecteurs, mais de la Correspondance elle-meme, un temoin qui ne
peut pas mentir. Le 28 avril 1871 elle ecrivait a Flaubert:
"L'experience que Paris essaye ou subit ne prouve rien contre les lois
du progres, et si j'ai quelques principes acquis dans l'esprit, bons ou
mauvais, ils n'en sont ni ebranles ni modifies. Il y a longtemps que
j'ai accepte la patience, comme on accepte le temps qu'il fait, la duree
de l'hiver, la vieillesse, l'insucces sous toutes ses formes. Mais je
crois que les gens de parti (sinceres) doivent changer leurs formules ou
s'apercevoir peut-etre du vide de toute formule _a priori_." Et a Mme
Adam, le 15 juin de la meme annee: "Pleurons de
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