i determinent l'individualite de chacun,
des heredites que l'on subit a travers les ages, voila la matiere
indefinie et toujours variee du roman experimental. Mais faut-il
sacrifier a ce genre unique tous les autres genres et en particulier
celui qui considere le roman comme une oeuvre a la fois d'analyse et de
poesie, comme George Sand le definissait d'instinct? Prenons garde, le
roman selon George Sand, c'est le vrai roman national; si nous en
croyons les interpretes des origines de notre litterature[10], il est ne
des anciennes chansons de geste; il est de la meme famille que la
poesie; et qui pourra d'ailleurs demontrer qu'on a tort de le comprendre
ainsi?
On notera, avec un soin pedantesque, les invraisemblances qui abondent
dans les fictions de George Sand. Mais ne serait-il pas aise de noter,
en regard de l'invraisemblance des evenements que l'on peut signaler
chez elle, le defaut de logique des caracteres chez les naturalistes le
plus en vogue, l'incoherence des sentiments, la bizarrerie maladive de
la conduite, sous pretexte de maladies ou d'heredite? Et nous en
viendrions a nous demander de quel cote il y a le plus
d'invraisemblable. C'est une querelle qui durera longtemps et ou nous
n'avons pas l'intention d'entrer. Il serait pourtant curieux de savoir
si les pretendus observateurs de la realite ne font pas autant de
concessions que les autres romanciers a une certaine convention aussi
artificielle, aussi arbitraire, aussi fausse que celle dont ils font un
si terrible grief a l'ecole qu'ils veulent detruire, comme si l'on
detruisait des temperaments et des gouts!
A cette maniere de comprendre le roman, correspond le style, qui
meriterait une etude a part chez George Sand et dont nous n'indiquerons
que quelques traits, bien reconnaissables a travers la variete infinie
des sujets qu'elle a traites et dans la longue suite de cette vie
remplie pendant quarante-six ans des plus feconds travaux.
Certes on ne peut pas dire qu'elle n'ait pas fait, pendant un aussi long
intervalle de temps, son education d'ecrivain, et qu'elle n'ait pas
modifie son instrument d'expression et ses ressources. Cependant, des le
debut, sa langue etait formee, deja ample et souple, pleine de mouvement
et de feu. Le long travail d'une vie litteraire ne fit que la
developper, il ne la crea pas; elle lui etait venue comme d'instinct,
aussitot que, dans sa retraite de Nohant, elle jeta sur quelques
feuilles eparses ses tristesses, ses la
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