r tout autre ecrivain, auraient entraine le reste de l'oeuvre dans un
pareil et irreparable naufrage.
Mais ici quel desastre c'eut ete que la perte de tant d'oeuvres en
partie superieures et de recits que le rayon de l'art a touches! Que de
choses resteront et renaitront si un injuste oubli s'est un instant
mepris sur elles! Tout ce qui est grace aisee, creation elegante,
reverie enchantee, sincerite de la passion, fantaisie merveilleuse,
charme du style, tout cela ne merite-t-il pas de vivre? Le temps fera de
plus en plus surement son oeuvre, ici comme ailleurs. Et apres ce
travail d'elimination, qu'il accomplit avec une justesse infaillible sur
chaque grande renommee, il proclamera avec un immortel honneur cette
puissance d'invention, qui n'exclut pas la faculte d'analyse, mais qui
lui cree un cadre merveilleux; il proclamera que, grace a cette richesse
inepuisable d'imagination et ce don expressif du style, George Sand est
restee un poete qui a peu d'egaux, un des plus grands poetes de sa race
et de son temps.
Nous sommes maintenant a meme, a ce qu'il semble, de repondre a la
question que nous posions a la premiere ligne de cette etude. Oui, on
reviendra a Mme Sand, apres quelques annees de negligence et quelques
eliminations necessaires dans son oeuvre. Elle attirera de nouveau les
generations nouvelles par l'eclat de cette poesie que nous avons essaye
de definir. Quand elle ne servirait qu'a nous consoler, par
quelques-unes de ses oeuvres, de l'exces et du debordement du
naturalisme contemporain, elle aurait eu raison d'ecrire, meme pour
nous, meme pour ce qui s'appelle la posterite. Elle aura sa place
marquee dans la renaissance infaillible du roman, du theatre et de la
poesie idealistes qui conserveront longtemps une clientele considerable
dans l'humanite de demain et d'apres-demain, quoi qu'on fasse pour
comprimer cet elan de l'esprit.
Ce sont des moeurs nouvelles qui ont amene le roman a prendre une si
grande place dans la vie moderne. Mais rien ne nous oblige a croire que
cette place sera eternellement occupee par le roman naturaliste. Comme
nous l'avons deja dit, il y aura partage entre les deux theories
opposees ou peut-etre oscillation periodique de l'esprit public entre
l'une et l'autre. Ce qui a fait la royaute litteraire du roman, c'est en
grande partie l'ennui moderne, cette maladie que les generations des
autres siecles, moins excitees et plus croyantes, n'ont pas connue au
meme degre que nous; c
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