on; c'est la que son existence est fixee et
qu'elle a pu realiser son reve, l'idee d'une vie arrangee pour elle,
ses enfants et ses amis. C'est la que se developpe et s'acheve, dans un
cadre fixe et familier, ce que je pourrais appeler la _derniere maniere_
de George Sand, sur laquelle nous voudrions arreter et retenir
l'attention du lecteur.
Nous devons rappeler cependant quelques traits de la vie anterieure,
celle qui a ete l'objet ou le pretexte de tant de legendes. Se
souvient-on, a ce propos, du joli conte d'Alfred de Musset, l'_Histoire
d'un merle blanc_? C'etait une bien vieille histoire que celle qui
s'etait passee vers 1833 et 1834 a Paris et a Venise. Mais elle marque
bien l'origine et le point de depart de cette vie d'abord si fantasque
et livree a l'aventure. On trouve tout, meme l'histoire des autres dans
cette fantaisie, quelque peu arrangee, mais transparente, du poete
racontant les malentendus qui l'accueillent a son entree dans la vie,
les malveillances qu'il subit dans sa famille meme, a cause de son
plumage et de son ramage inusites, les accidents et les deceptions de
tout genre qui lui font sentir chaque jour combien il est penible, bien
que glorieux, d'etre en ce monde "un merle exceptionnel"!
Apres plusieurs aventures dont il est sorti perdant chaque fois beaucoup
de ses illusions et un peu de ses plumes, il rencontre enfin sa
consolation sous la forme de la merlette de ses reves, de la merlette
ideale. "Acceptez ma main sans delai; marions-nous a l'anglaise, sans
ceremonie, et partons ensemble pour la Suisse.--Je ne l'entends pas
ainsi, me repondit la jeune merlette; je veux que mes noces soient
magnifiques et que tout ce qu'il y a en France de merles un peu bien nes
y soient solennellement rassembles." Le mariage se fait, malgre tout, a
l'_anglaise_, mais avec un grand concours d'artistes emplumes, et l'on
part pour la Suisse, Venise ou autres lieux. "J'ignorais alors que ma
bien-aimee fut une femme de plume; elle me l'avoua au bout de quelque
temps; elle alla meme jusqu'a me montrer le manuscrit d'un roman ou elle
avait imite a la fois Walter Scott et _Scarron_. Je laisse a penser le
plaisir que me causa une si aimable surprise.... Des cet instant nous
travaillames ensemble. Tandis que je composais mes poemes, elle
barbouillait des rames de papier. Je lui recitais mes vers a haute voix,
et cela ne la genait nullement pour ecrire pendant ce temps-la.... Il ne
lui arrivait jamais de rayer une l
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