igne ni de faire un plan avant de se
mettre a l'oeuvre. C'etait le type de la merlette lettree." Bien des
traits sont justes dans cette esquisse; un seul detonne avec la
physionomie de la _romanciere_. A aucune epoque sa plume, libre dans le
domaine des idees, ne s'abaissa a la caricature ni a la parodie. Nous
comprenons que la merlette lettree ait rappele a son ami Walter Scott et
ses larges et puissants recits; mais nous sommes stupefaits quand nous
voyons le satirique injuste joindre a ce nom celui de Scarron. Meme dans
ses plus grandes hardiesses de pensee, Lelia resta Lelia, et jamais une
equivoque ni une plaisanterie cynique n'alourdit ou n'effleura son
aile, amie du grand vol et de la lumiere.
Nous ne raconterons pas la fin de l'histoire, dont on peut voir la
contre-partie dans _Elle et Lui_. Elle est triste dans les deux recits;
elle l'avait ete dans la realite, et tout le monde la sait a peu pres,
ce qui suffit. C'est affaire a la chronique d'entrer dans ce genre
d'intimite, bien au dela de ce qui est necessaire. Nous avons voulu
seulement marquer, sans insister, la place d'une premiere George Sand,
tres prompte a se prendre et aussi a se deprendre, mettant tout son
enjeu dans une passion, l'y perdant en belle joueuse, guerissant de
chaque passion, mais non du jeu lui-meme, apportant en ces diverses
tentatives une sorte de naivete incorrigible et de bonte facile, melant
a ces cultes changeants des cultes episodiques pour tel art ou telle
science, la poesie avec l'un, la musique avec l'autre, la philosophie
avec un troisieme. C'est celle dont l'image s'est imposee a l'esprit de
ses contemporains, dans l'ivresse de la jeunesse et des premiers
triomphes, celle qui vivait tantot en etudiant ou en artiste, tantot en
pelerin, sous des habits d'homme, dans le quartier Latin ou sur toutes
les routes de l'Europe et particulierement sur les grands chemins de la
boheme et autres pays imaginaires, abandonnant sa vie aux hasards des
bons ou des mauvais gites, a la camaraderie des voyageurs de rencontre,
dont elle illumine un instant le personnage des feux de son imagination,
dont elle partage ou subit l'aventureuse hospitalite, les etranges
fantaisies, les passions irreparables. Henri Heine, qui l'a vue souvent
a la fin de cette periode (de 1833 a 1840), nous a laisse d'elle un vif
portrait, qui doit etre ressemblant: "son visage peut etre nomme plutot
beau qu'interessant, disait-il; la coupe de ses traits n'est cependant
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