ut genre une superiorite de virtuose, de philosophe, d'ami devoue
(bien qu'improvise), d'amant chevaleresque, si bien qu'il remplit toute
la fin de la journee, toute la soiree qui la termine et la matinee qui
la recommence, des propos les plus fins, les plus brillants, les plus
poetiques, des actes les plus audacieux, des engagements de coeur les
plus hardis, arretes a temps avec une discretion que n'aurait pas un
homme du monde. Il eblouit de sa voix d'artiste toute une petite ville
italienne ou l'on s'est arrete pour le soir, il etonne de plus en plus
Leonce, il l'irrite meme et le domine par la noblesse de sa conduite, il
se fait un instant presque aimer de l'elegante et hautaine Sabina; et ce
n'est que par generosite qu'apres l'avoir troublee, comme pour faire
l'epreuve de sa puissance, il detache de lui ce coeur fragile, un
instant surpris, le rend a Leonce, et disparait.--Ce souverain
improvise de quelques heures, pendant cette journee unique, est l'enfant
gate de George Sand. C'est bien l'artiste aventurier qu'elle a toujours
aime, un de ces bohemes de genie, deguenilles mais delicats, nobles et
superbes, qui doivent leurs riches facultes a la nature, et qui les ont
conservees avec soin, grace a une independance, a une paresse, a un
desinteressement qui les rend pauvres, mais les garde purs. Elle l'a vu
agir devant ses yeux, cette fois; elle l'a vu marcher, ce heros
longtemps imagine, elle l'a vu dominer le petit monde ou elle l'a
introduit. Elle en a ete heureuse, comme du succes d'un fils cheri de
son imagination. On peut sourire de ce facile bonheur qu'elle s'est
donne a elle-meme. Mais les traits de la vie reelle se melent si bien
ici a la fable, il y a de si charmants episodes dans cette journee
disposee par la plus aimable et la plus ingenieuse des providences, il y
a des conversations si elegantes et si delicates, qu'il faut bien en
passer par la fantaisie de l'auteur, et vraiment on aurait mauvaise
grace a resister au charme qui vous penetre et vous entraine.
Le roman, ainsi concu, est tout simplement de la poesie. Soit. Est-ce
donc la quelque chose de si malheureux, et George Sand perdra-t-elle
quelque chose a une accusation de ce genre? Il faut bien que le roman se
rapproche de la poesie ou de la science. Le roman scientifique est en
grand honneur de nos jours: la science des moeurs, des institutions, des
classes sociales, des caracteres et des temperaments, des influences
physiologiques et medicales qu
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