ge la poursuivait a
travers les enchantements de l'Italie. Elle arrive au comble de son art
quand elle unit ces deux inspirations l'une a l'autre, et que, melant
l'ame de l'homme a la nature, elle attendrit le paysage et ajoute a la
grandeur la sympathie.
Cet amour de la nature, elle ne l'avait pas pris seulement a l'ecole de
Jean-Jacques Rousseau, elle l'avait pris en elle-meme. Elle avait senti
la grandeur religieuse de la terre, la nourrice feconde; son ame
virgilienne avait vecu, pendant une grande partie de son enfance et de
sa jeunesse, dans l'intimite des champs et des bois; elle etait vraiment
la fille de ce sol natal qui l'avait bercee dans ses sillons, nourrie
avec les petits pastours, faconnee a son image, formee de ses influences
familieres, consolee dans bien des chagrins sans cause, charmee de ses
vagues terreurs. Par cette communaute de sensations, elle s'etait faite
elle-meme la soeur des petits paysans qui avaient ete pendant de longs
mois sa compagnie vagabonde et qui, depuis, avaient grandi. De la lui
vint tout naturellement au coeur le gout de la bucolique et de l'idylle
qui apparaissent dans presque toutes ses oeuvres et qui deviendront
meme, a un moment de sa vie, un refuge contre les emotions violentes de
la politique et comme un genre privilegie. C'est alors que, en face des
injustices sociales dont elle etait blessee, elle evoquera l'image de la
vie champetre et le tableau des interieurs rustiques; elle transportera
de la scene du monde, qu'elle a jugee artificielle, sur une scene aussi
humaine et plus naturelle a son gre, le conflit des passions et les
drames du coeur, qu'elle poursuit toujours. Mais elle y transportera
aussi quelques-unes des illusions de son imagination; elle n'y verra
bien souvent que des types embellis ou rectifies de paysan poete, pretre
de la nature, officiant, benissant les travaux de la campagne, ou de
paysanne vertueuse, sentimentale, chevaleresque, heroique meme (comme
Jeanne, la grande pastoure). C'est de la poesie, assurement, et si
sincere qu'elle parait naturelle. Balzac et les romanciers modernes
concevront autrement les paysans et les peindront avec une aprete dure,
meme feroce, de pinceau; ne sera-ce pas une exageration dans un autre
sens? Ce que je reprocherais plus volontiers a George Sand, ce n'est pas
sa peinture du bon paysan, qui, apres tout, a sa realite, pourvu qu'on
l'aide un peu a se degager d'une enveloppe de sensations et
d'impressions vulgaires, c
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