elle le prononca avec une telle douceur que Pardaillan
s'arreta. Fausta se rapprocha de lui, et posa sa main sur le bras du
chevalier.
--Attendez un instant, dit-elle toujours avec douceur.
--Que me veut-elle? grommela Pardaillan en lui-meme.
Fausta semblait hesiter. Sa main posee sur le bras du chevalier
tremblait legerement.
--Vous avez parle, dit-elle enfin d'une voix oppressee, a mon tour,
voulez-vous?...
Fausta s'arreta soudain, comme si elle eut regrette d'avoir parle. Et,
dans cette minute ou un double flot de passions contraires venait se
heurter en elle, humiliee dans son reve de purete extra humaine et de
divine domination, soulevee par l'amour feminin qu'elle portait dans son
sein, Fausta comprit avec terreur qu'elle etait double, qu'il y avait
deux etres en elle...
Il y avait en elle un orgueil sublime et un amour devorant. Et, par un
effort vraiment digne d'admiration, l'orgueil, jusqu'ici, avait vaincu
l'amour... Ces deux etres donc, ces deux ames contradictoires qui
habitaient le meme corps se livraient une effroyable bataille. Il
fallait le triomphe de l'un ou de l'autre; ils ne pouvaient plus
coexister.
Ou Fausta demeurerait la vierge, la pretresse, la dominatrice plus que
reine,--et il fallait la mort de Pardaillan.
Ou Fausta renoncerait a son reve, redeviendrait une femme--et il fallait
l'amour de Pardaillan...
Fausta, ayant annonce qu'elle voulait parler, Fausta se taisait. Une
derniere lutte se livrait en elle. Puis, peu a peu, cette forme de
statue s'anima; l'attitude devint feminine, et enfin, Pardaillan,
avec un etonnement mele de crainte et de pitie, entendit que Fausta
sanglotait doucement.
Fausta pleurait sur son reve!... elle pleurait sur la deroute de
son orgueil. L'amour, une fois de plus dans l'eternelle histoire de
l'humanite, l'amour etait vainqueur.
Elle se rapprocha un peu plus de Pardaillan. Sa main se crispa sur son
bras. Et, dans un murmure d'une douceur desesperee, elle prononca:
--Ecoute-moi. Mon coeur eclate. Je dois dire aujourd'hui des choses
definitives. Et, si je te les dis, a toi, alors qu'il me semblait que
jamais aucun homme ne les entendrait, c'est que tu n'es semblable a
aucun homme... ou plutot! non! ceci est une excuse indigne... Si je dis
que j'aime, c'est que, malgre moi, l'amour est en moi. Pourquoi est-ce
toi que j'aime? Je ne sais pas. Dans mon palais, je te l'ai dit sans
crainte... Car, alors, j'etais sure de tuer mon amour en te tuant
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