--Parlez, balbutia le cardinal, que puis-je?... Qu'avez-vous espere?
--Pendant que cette femme parlait, j'ai espere que le bonheur vous
rendrait genereux, monseigneur! Que vous auriez une minute assez de
courage pour me dire: tu es le bourreau, c'est vrai! Mais tu es le
vrai pere de Violetta!... Viens donc avec nous et prends ta part de
bonheur!...
--Jamais! gronda violemment le prince Farnese... Maitre, perds-tu la
tete? Oublies-tu ce que tu as ete?
--Monseigneur, vous me dites ce que je me suis dit maintes fois. Mais
sachez qu'elle sait, vous dis-je, ce que je fus! Et cet ange ne m'a pas
repousse...
--Mais, moi, moi... je mourrais de honte et d'horreur a voir ma fille te
donner la main...
--Monseigneur... vous ne me comprenez pas... Qu'est-ce que je
demande?... d'etre simplement un de vos serviteurs. Je ne vivrais meme
pas dans votre palais. Tenez, vous pourriez m'employer a cultiver vos
jardins...
--Maitre Claude, dit froidement Farnese, renoncez a ces idees. Vous-meme
vous sentez et comprenez que l'ancien bourreau jure de Paris ne peut
vivre aupres d'une princesse Farnese, meme parmi ses serviteurs...
Seulement, je m'engage sur le salut de mon ame a vous faire tenir tous
les trois ou six mois une lettre qui vous parlera d'elle...
--Vraiment? Vous me jurez cela?... Et c'est tout? Vous dites que jamais
vous ne consentiriez a me laisser vivre pres de mon enfant?
--Jamais!
Il y eut une longue minute de silence. Et le cardinal put croire qu'il
avait dompte le bourreau. Mais maitre Claude, les sourcils contractes,
semblait faire un effort de memoire... Enfin il alla a la porte et
poussa les verrous.
Farnese eut un livide sourire et s'appreta a combattre par le poignard.
Mais, au lieu de marcher sur lui, Claude s'adossa a la porte, les bras
croises et, d'une voix changee, tres calme, mais rude, ou il y avait une
menace contenue, il prononca:
--Monseigneur, ecoutez. Vous avez le papier, que je vous ai signe de mon
sang! Voici maintenant, monseigneur, le papier que vous m'avez signe,
vous!... Nous avons droit de vie et de mort l'un sur l'autre! Me suis-je
bien conforme a ce que j'avais signe de mon sang?...
--Oui! repondit Farnese sourdement.
--Puisque notre pacte prend fin aujourd'hui par votre reconciliation
avec la femme nommee Fausta, suis-je bien dans mon droit en vous
rappelant que vous m'appartenez, quels que soient le jour et l'heure?...
--Oui! repondit Farnese d'une voix d'epouvant
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